INTRODUCTION
Le séquençage nouvelle génération (NGS) a permis de proposer, dans le cadre du soin, un génome pour un diagnostic de précision et pour une prise en charge personnalisée. Les indications sont nombreuses, y compris pour ce que l’on appelle toujours actuellement les maladies fréquentes (également communes ou complexes) comme l’autisme, la schizophrénie, l’insuffisance rénale chronique ou les cardiomyopathies hypertrophiques. Les intérêts de cette médecine personnalisée sont la réalisation d’un diagnostic de précision, la rationalisation des examens complémentaires, l’appréciation du risque héréditaire et la possibilité de donner une thérapie ciblée.
La notion de médecine personnalisée à partir des données de génétique a été imaginée dès 2002 sous le terme de médecine génomique (1). Néanmoins, celle-ci semblait très difficile à mettre en œuvre devant les efforts colossaux nécessaires pour séquencer le génome d'une seule personne (le « projet génome humain », issu d’un effort international, a duré 13 ans et coûté plus de 3 milliards de dollars) (2). La notion de médecine des 4 P (précision, prévention, prédiction, personnalisation) est plus récente, dûe à un saut technologique. En effet, les avancées technologiques récentes et disruptives du séquençage nouvelle génération (ou next generation sequencing (NGS), également appelé « séquençage à haut débit » ou « séquençage massif parallèle ») permettent désormais de réaliser le séquençage d’un génome en entier chez une personne en peu de temps et pour une somme très réduite. Désormais, pour 600 euros, il est possible d’avoir son génome en quelques semaines.
DÉFINITION
La médecine personnalisée par le génome (ou médecine génomique) a pour but d’étudier les caractéristiques génétiques d’une personne et ainsi proposer un diagnostic de précision (c’est-à-dire un diagnostic de certitude par la génétique dépassant la seule conviction clinique ou biologique/radiologique) afin d’expliquer ses symptômes mais également d’exploiter les autres données de son génome. Celles-ci sont codifiées en plusieurs sous-groupes appelés « données additionnelles ». On identifie donc les données issues des gènes actionnables (liste de gènes dont la codification de prise en charge est efficiente et dont la surveillance/prévention ou les soins sont tolérables pour la personne malade – une juste surveillance ni trop rapprochée ni lourde, des soins raisonnables et raisonnés, une juste prescription adaptée au besoin (3)), les données préconceptionnelles (l’identification d’un risque fort pour un couple avant une conception d’avoir un enfant avec une maladie récessive comme la mucoviscidose ou liée à l’X comme le syndrome d’X fragile) (4), la pharmacogénomique et enfin, les groupages HLA et ABO. Actuellement, seul un diagnostic de précision est autorisé par la loi en France. La personne malade n’a pas accès aux autres données génétiques.
→ Le génome, outil diagnostic universel : Le génome correspond à l’analyse des 3 milliards de nucléotides de l’ADN nucléaire mais aussi des quelque 16 000 nucléotides de l’ADN mitochondrial. Cette analyse du génotype va comparer les informations génétiques d’une personne à des bases de données et identifier toutes les variations de l’ADN qui pourraient apporter des informations sur la cause des symptômes observés (le phénotype) sans que l’on ait forcément une idée préconçue au préalable. Il en ressort une nouvelle stratégie diagnostique : la stratégie génotype en premier basée sur les connaissances à l’instant de l’analyse (5). Quand, auparavant, il était nécessaire de faire appel à un faisceau d’arguments clinique, radiologique, anatomopathologique et/ou biologique pour évoquer un possible diagnostic, désormais une simple prise de sang remplace (en partie) la stratégie diagnostique. Il est néanmoins nécessaire d’avoir toujours les données cliniques, parfois radiologiques et biologiques pour l’étape dite de phénotypage clinique inverse, afin d’asseoir le diagnostic moléculaire.
LE PLAN FRANCE MÉDECINE GÉNOMIQUE 2025
L’État français a décidé en 2015 de se doter d’un plan de santé de 670 millions d’euros pour que la médecine génomique rentre dans le soin courant. Il s’agit du plan France médecine génomique 2025. Il est maintenant possible de proposer, dans le cadre du soin, l’analyse d’un génome à visée diagnostique et également thérapeutique. Ainsi, en cas de cardiomyopathie hypertrophique, de cancer, d’autisme, de schizophrénie, ou d’insuffisance rénale chronique, le génome devient l’outil diagnostique majeur
(pour connaître toutes les pré-indications de génome). Actuellement, en France, la recherche active de données additionnelles n’est pas autorisée. Cette position reste discutable car impose à la personne un avis sans respecter son autonomie.
APPLICATIONS
L’utilisation du génome a bouleversé la quête du diagnostic et les dogmes du 20e siècle. Auparavant, identifier un nouveau gène ou une nouvelle maladie génétique pour un gène déjà identifié demandait des conditions particulières et très drastiques, comme une très grande famille ou plusieurs familles consanguines, et nécessitait que la pénétrance de la maladie soit complète. Il en a découlé le dogme de la maladie multifactorielle, c’est-à-dire l’explication d’une maladie par l’association d’une accumulation de variants génétiques à effets faibles et des variations épigénétiques ainsi que de l’environnement.
Le séquençage du génome entier et son petit frère, le séquençage de l’exome (séquençage uniquement des exons des gènes), permettent d’analyser les gènes d’une personne ou d’une famille sans avoir à réaliser des analyses de ségrégation.
→ Cette nouvelle possibilité a modifié profondément la stratégie recherche puis diagnostique. Il en découle de nombreuses percées scientifiques et des modifications des dogmes du 20e siècle.
• Par exemple, alors qu’il était supposé que seules les formes extrêmes de cardiomyopathie hypertrophique étaient d’origine génétique, il est clairement démontré que plus de 35 % des cardiomyopathies hypertrophiques sont d’origine monogénique (c’est-à-dire que l’atteinte d’un gène est responsable de la maladie (6) et que plusieurs gènes peuvent être responsables de cardiomyopathies hypertrophiques). Une fois sur trois, donc, un des deux parents est forcément atteint, et la personne malade a un risque sur deux de transmettre l’anomalie génétique à ses enfants. La dimension familiale est devenue majeure dans cette affection.
• Autre exemple : l’insuffisance rénale chronique. Depuis 4-5 ans, le NGS a révolutionné les connaissances, avec à ce jour-là encore : environ 35 % de maladies monogéniques chez les personnes avec insuffisance rénale chronique (7). Il en découle que l’examen génétique est aujourd’hui de plus en plus proposé avant même la ponction biopsie rénale (PBR) car la prise de sang est moins invasive et beaucoup moins risquée que la PBR (8).
• Il en est de même pour l’autisme, qui n’est plus considéré comme une maladie mais comme un symptôme. Cette modification de dogme est due au fait que le NGS a mis en évidence que les gènes responsables de déficience intellectuelle (auparavant appelée retard mental) étaient les mêmes que pour l’autisme ou la schizophrénie (9). Il en découle que seul le démembrement du symptôme et l’identification de causes précises permettront une prise en charge optimale et efficace.
→ Une autre application est l’ADN circulant pour une utilisation en prénatal et également en cancérologie. En effet, le NGS permet d’étudier l’ADN issu de l’apoptose/réplication des cellules du placenta ou d’un cancer.
• Cet ADN fœtal circule librement dans le sang et est donc analysable facilement. Il est maintenant possible de proposer une simple prise de sang (également appelée DPNI pour « dépistage prénatal non invasif ») pour dépister très efficacement une trisomie (et même des anomalies de petite taille des chromosomes) du fœtus d’une femme enceinte et ainsi éviter une amniocentèse dont le rendement et le risque deviennent de fait déraisonnables (10). Le dépistage de la trisomie 21 par étude de l’ADN fœtal libre circulant est proposé pour toute femme enceinte avec un risque intégré (âge + marqueurs sériques + épaisseur de la clarté nucale) compris entre 1/51 et 1/1000. En cas de dépistage positif, il est ensuite proposé une amniocentèse pour confirmation du diagnostic de trisomie 21.
• De même, l’ADN libre circulant, appelé également « biopsie liquide », est déjà utilisé en cancérologie afin de dépister une récidive de cancer ou de guider l’utilité ou non d’une chimiothérapie (11). Aujourd’hui, en France, l’analyse de l’ADNc est une indication dans le cancer du poumon pour la recherche de variants pathogènes de l’EGFR.
→ Du diagnostic à la prise en charge personnalisée et à une thérapie ciblée. L’autre effet de l’identification des bases moléculaires est de préciser l’orientation thérapeutique. Ainsi, l’identification d’un variant génétique dans les gènes BRCA1 ou BRCA2 permet de codifier à la fois une prise en charge spécifique (prévention des autres symptômes associés) mais également de proposer la thérapie ciblée spécifique à la maladie (inhibiteurs de PARP (12)). Les inhibiteurs de PARP sont administrés pour les cancers avancés du sein, de l’ovaire, de la prostate et du pancréas (sous la forme d’AMM, ATU ou d’avis favorable de l’EMA).
Il est également possible de proposer un examen génétique dit signature, qui permet de décider si la chimiothérapie (et tous les effets secondaires qu’elle amène) sera utile ou non dans le schéma thérapeutique de la personne malade et ainsi contribuer à une désescalade thérapeutique (13) avec 40 % de chimiothérapie non administrée après la réalisation de la signature. Les récents essais randomisés (essais MINDACT et TailorX) montrent que la chimiothérapie n’apporte aucun bénéfice et donc peut être évitée dans une proportion assez importante de cancers du sein précoce (13).
En France, ces signatures sont accessibles via le système transitoire des RINH (référentiel des actes innovants hors nomenclature) et devraient faire l’objet d’une évaluation pour un remboursement par la Sécurité sociale à la lumière des récents résultats des essais MINDACT et TailorX.
→ Un diagnostic n’est pas un pronostic. La limite majeure de cette médecine génomique est qu’il n’est actuellement pas possible de prédire l’âge d’apparition ou la sévérité de la maladie. Un autre écueil est que certaines maladies génétiques n’ont pas une pénétrance complète. Ainsi, être porteuse d’une variation dans le gène BRCA n’indique pas une certitude de développer un cancer du sein (risque à 70 %). Ainsi, connaître son statut moléculaire sans être malade pourrait faire glisser la personne en bonne santé dans un statut de pré-malade. Seule une information claire, adaptée et loyale permettra à la personne de faire sereinement son choix en amont de l’analyse génétique.
Quelle est la place du médecin généraliste dans ce dispositif ? Actuellement, le médecin généraliste participe encore peu à cette médecine génomique de précision (diagnostique), ni à la prise en charge personnalisée basée sur les données de génétique. Néanmoins, le médecin généraliste sera très prochainement au cœur du dispositif, à la fois pour orienter les personnes aux bons « guichets » pour le diagnostic mais également pour participer à la prise en charge clinique et thérapeutique, qui devra néanmoins être parfaitement codifiée par les experts pour éviter une perte importante de temps pour les médecins généralistes. La formation initiale des médecins comprend dès cette année un item médecine génomique à l’e-ECN (item 46). Une formation continue sur ce sujet semble désormais indispensable.
Pr David Geneviève, Pr Pascal Pujol (Société française de médecine personnalisée. Département de génétique médicale, maladies rares et médecine personnalisée, université de Montpellier, CHU Montpellier, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, 04 67 33 61 04, d-genevieve@chu-montpellier.fr, p-pujol@chu-montpellier.fr)
BIBLIOGRAPHIE
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2. International Human Genome Sequencing Consortium. Finishing the euchromatic sequence of the human genome. Nature. 2004 Oct 21;431(7011):931-45.
3. Kalia SS, Adelman K, Bale SJ, et al. Recommendations for reporting of secondary findings in clinical exome and genome sequencing, 2016 update (ACMG SFv2.0): a policy statement of the American College of Medical Genetics and Genomics. Genet Med. 2017;19:249-255
4. Ceyhan-Birsoy O, Murry JB, Machini K, Lebo MS, Yu TW, Fayer S, Genetti CA, Schwartz TS, Agrawal PB, Parad RB, Holm IA, McGuire AL, Green RC, Rehm HL, Beggs AH. BabySeq Project Team. Interpretation of Genomic Sequencing Results in Healthy and Ill Newborns: Results from the BabySeq Project. Am J Hum Genet. 2019 Jan 3;104(1):76-93.
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7. de Haan A, Eijgelsheim M, Vogt L, Knoers NVAM, de Borst MH. Diagnostic Yield of Next-Generation Sequencing in Patients With Chronic Kidney Disease of Unknown Etiology. Front Genet. 2019 Dec 13;10:1264.
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9. Vissers LE, Gilissen C, Veltman JA. Genetic studies in intellectual disability and related disorders. Nat Rev Genet. 2016 Jan;17(1):9-18.
10. Gadsb ll K, Petersen OB, Gatinois V, Strange H, Jacobsson B, Wapner R, Vermeesch JR; NIPT-map Study Group, Vogel I. Current use of noninvasive prenatal testing in Europe, Australia and the USA: A graphical presentation. Acta Obstet Gynecol Scand. 2020 Jun;99(6):722-730.
11. Rodríguez J, Avila J, Rolfo C, Ruíz-Patiño A, Russo A, Ricaurte L, Ordóñez- Reyes C, Arrieta O, Zatarain-Barrón ZL, Recondo G, Cardona AF. When Tissue is an Issue the Liquid Biopsy is Nonissue: A Review. Oncol Ther. 2021 Mar 10. doi: 10.1007/s40487-021-00144-6.
12. Cortesi L, Rugo HS, Jackisch C. An Overview of PARP Inhibitors for the Treatment of Breast Cancer. Target Oncol. 2021 Mar 12. doi: 10.1007/s11523-021-00796-4.
13. Sparano JA, Gray RJ, Ravdin PM, Makower DF, Pritchard KI, Albain KS, Hayes DF, Geyer CE Jr, Dees EC, Goetz MP, Olson JA Jr, Lively T, Badve SS, Saphner TJ, Wagner LI, Whelan TJ, Ellis MJ, Paik S, Wood WC, Keane MM, Gomez Moreno HL, Reddy PS, Goggins TF, Mayer IA, Brufsky AM, Toppmeyer DL, Kaklamani VG, Berenberg JL, Abrams J, Sledge GW Jr. Clinical and Genomic Risk to Guide the Use of Adjuvant Therapy for Breast Cancer. N Engl J Med. 2019 Jun 20;380(25):2395-2405.
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