Thérapeutique

LE SUIVI D’UN TRAITEMENT PAR ANTIVITAMINES K

Publié le 07/05/2010
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En avril 2009, l’Afssaps a émis des recommandations sur le bon usage des antivitamines K. Malgré les recommandations antérieures de 2000 et 2004 cette classe thérapeutique tient toujours une place importante dans la iatrogénie médicamenteuse. En 10 ans, leur prescription a doublé.

Les antivitamines K (AVK) sont prescrits à environ 900 000 personnes en France (plus de 1 % de la population), dont plus de 70 % sont des patients de plus de 70 ans. Ils sont la première cause d’accidents iatrogènes entraînant 17 000 hospitalisations dont le quart sont évitables, 29 400 accidents hémorragiques graves et 5000 décès. Les indications cardiologiques représentent 80 % des prescriptions et la maladie thromboembolique 20 %. L’antivitamine K de référence international est la warfarine (le moins prescrit en France), le plus prescrit est la fluindione suivi de l’acénocoumarol (1).

LES RISQUES DU TRAITEMENT PAR AVK

La survenue d’une hémorragie spontanée ou traumatique est le principal risque des AVK. Les surdosages constituent la situation la plus fréquente.

SURVEILLANCE DU TRAITEMENT

Seul l’INR (International Normalized Ratio) permet de déterminer la dose efficace pour le patient. Il doit être réalisé au moins une fois par mois. D’un dosage à l’autre, l’INR doit être réalisé dans le même laboratoire.

Pour la plupart des indications, l’INR doit être compris entre 2 et 3 (INR cible).

Dans ce cas, un INR < à 2 signifie que la dose est insuffisante ; un INR › 3 signifie que la dose est trop forte, et qu’il existe un risque d'hémorragie.

Le biologiste doit connaître l’indication afin de prévenir rapidement le médecin traitant et le patient en cas de résultats en dehors de la zone cible.

LES INTERACTIONS MEDICAMENTEUSES SONT FREQUENTES

Les interactions médicamenteuses sont une des causes principales de déséquilibre ou

d'accident chez les patients sous AVK. Tout médicament peut interférer avec les AVK jusqu’à preuve du contraire.

-› Lors de chaque co-prescription, il faut :

• se référer à la rubrique « Interactions médicamenteuses » de l’AMM

• contrôler l’INR 3-4 jours après toute modification, mise en route ou arrêt d’un médicament

associé.

-› Médicaments contre-indiqués avec les AVK

• aspirine à doses anti-inflammatoires ≥ 1 g/prise et/ou ≥ 3 g/j

• aspirine à doses antalgiques ≥ 500 mg/prise et/ou < 3 g/j ou à doses anti-agrégantes en cas d’antécédent d’ulcère gastro-duodénal

• AINS pyrazolés, les autres AINS sont déconseillés

• miconazole, utilisé par voie générale ou en gel buccal

• millepertuis

• la co-prescription avec les antibiotiques nécessite également un contrôle précoce de l’INR.

-› En cas de fièvre ou de douleurs l'administration de paracétamol est parfaitement possible, sous réserve de contrôles plus rapprochés de l'INR. Il faut aussi toujours vérifier la prise potentielle de médicaments délivrés sans ordonnance.

-› En cas de pathologie intercurrente, d'une manière générale, il convient d'augmenter la fréquence des contrôles biologiques devant toute modification de l'état clinique et de rechercher une pathologie à l’origine d’un déséquilibre inexpliqué.

-› La prescription d’AVK chez le sujet âgé. L’âge n’est pas une contre-indication aux AVK et ce d’autant que le risque thromboembolique augmente avec l’âge.

QUE FAIRE EN CAS D’OUBLI ?

La dose oubliée peut être prise dans un délai de 8 heures après l’heure habituelle d’administration. Passé ce délai, il est préférable de sauter cette prise et de prendre la suivante à l’heure habituelle.

Le patient ne doit pas prendre de dose double pour compenser la dose manquée. Il devra signaler cet oubli lors du contrôle de l’INR et le noter dans son carnet de suivi.

EN CAS DE SURDOSAGE OU D’HEMORRAGIE NON GRAVE

= En cas de traitement par AVK avec un INR cible à 2,5 (fenêtre entre 2 et 3)

• INR < 4 : pas de saut de prise, pas de vitamine K ;

• 4 ≤ INR < 6 : saut d’une prise, pas de vitamine K;

• 6 ≤ INR < 10 : arrêt du traitement, 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale (1/2 à

1 ampoule buvable forme pédiatrique) ;

• INR ≥ 10 : arrêt du traitement, 5 mg de vitamine K par voie orale (1/2 ampoule

buvable forme adulte

= En cas de traitement par AVK avec INR cible ≥ 3 (fenêtre 3 – 4,5)

• INR < 6 : pas de saut de prise, pas de vitamine K ;

• 6 ≤ INR < 10 : saut d’une prise. Un avis spécialisé (ex. : cardiologue si le patient

est porteur d’une prothèse valvulaire mécanique) est recommandé pour discussion

d’un traitement éventuel par 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale (1/2 à

1 ampoule buvable forme pédiatrique) ;

• INR ≥ 10 : un avis spécialisé sans délai ou une hospitalisation est recommandé.

PRISE EN CHARGE D’UNE HEMORRAGIE SPONTANEE OU TRAUMATIQUE

Une hémorragie grave ou potentiellement grave nécessite une prise en charge hospitalière. Les critères de gravité sont :

- l’abondance du saignement, apprécié notamment sur le retentissement hémodynamique;

- la localisation pouvant engager un pronostic vital ou fonctionnel ;

- l’absence de contrôle par des moyens usuels et/ou la nécessité d’une transfusion ou d’un geste hémostatique en milieu hospitalier.

La prise en charge ambulatoire par le médecin traitant est recommandée si l’hémorragie ne présente aucun des critères de gravité ci-dessus et si l’environnement médico-social du patient le permet.

INFORMATION DU PATIENT

La prescription d’AVK ne se conçoit que chez des patients éduqués et informés. Un carnet d’information et de suivi doit être délivré au patient, disponible sur le site de l’Afssaps (5).

Après information, le patient doit savoir :

- la raison pour laquelle ce traitement lui a été prescrit

- son INR cible

- les principes d'équilibre du traitement, prise régulière sans oubli tous les jours à la même heure

- les risques hémorragiques et thrombotiques liés au traitement

- les signes annonciateurs d'un surdosage.

-› Compte tenu du risque élevé d’interactions médicamenteuses, il convient de mettre

les patients en garde contre les dangers de l’automédication. Le patient doit demander un avis au médecin avant de prendre un médicament, même et surtout dans des situations très banales, telles que la survenue d'une douleur, d'un rhumatisme, d'une lésion de la peau ou d'une infection : fièvre, grippe, angine, etc. (3).

Synthèse du Dr Emmanuel Cuzin (rédacteur, fmc@legeneraliste.fr)

Source : lequotidiendumedecin.fr