Neuropédiatrie

L'ENFANT DYSPRAXIQUE

Publié le 26/02/2010
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Il s’agit d’un trouble de la programmation du geste. Cet handicap invisible, difficilement compréhensible par l’entourage, est extrêmement perturbant pour les enfants.

La dyspraxie correspond à un trouble spécifique de la réalisation du geste intentionnel responsable d'une altération du "savoir faire". Ne s'accompagnant d'aucune déficience intellectuelle, elle peut être isolée ou être associée à d'autres troubles des apprentissages tels que déficit de l'attention, trouble du langage oral ou écrit,… Chaque enfant est affecté de façon différente.

L'incapacité de réaliser des gestes appris traduit une dyspraxie (4). L'enfant normal apprend un geste puis l'automatise mais pas le dyspraxique qui n’arrive jamais à automatiser son geste. La réalisation du celui-ci nécessite un contrôle attentionnel et une grande consommation d'énergie responsables d'une fatigue importante.

Une forme particulière de dyspraxie est fréquemment rapportée chez les anciens grands prématurés: la dyspraxie visuoconstructive qui se caractérise par des difficultés dans les activités d’assemblage et de construction (1). Si cette dyspraxie est intense, elle peut constituer un véritable handicap et sera reconnue comme telle.

SUSPECTER UNE DYSPRAXIE

Les parents sont peu alertés dans les premières années de vie, les difficultés apparaissent en maternelle. Souvent, mais pas toujours, ce sont les enseignants qui vont alerter les parents devant des enfants anormalement maladroits dans les activités de motricité : collage, découpage, assemblage, écriture, avec des dessins très pauvres fréquemment qualifiés d'immatures, etc. Ces caractéristiques doivent faire évoquer une dyspraxie.

-› Quelques questions posées aux parents vont affiner la suspicion du trouble: l'enfant est-il très malhabile dans sa vie quotidienne? a-t-il tendance à éviter les jeux de construction type Lego, ou les puzzles? a-t-il du mal à manipuler ses boutons, fermer sa fermeture éclair, nouer ses, lacets ? A t-il des difficultés à se servir de ciseaux, d'un compas ? Faut-il souvent l'aider à couper sa viande, à éplucher les fruits ? Tandis que par ailleurs, ces enfants sont vifs, intelligents, curieux.

« Pour éviter un diagnostic tardif, il importe d’être très à l’écoute et de ne pas banaliser quand un parent rapporte des difficultés au quotidien dans les gestes d’un enfant », précise le Dr Lemaitre.

Il n’y a pas de lien entre le lire et l’écrire chez l’enfant dyspraxique. Beaucoup d’enfants qui n’ont jamais su tenir un crayon lisent parfaitement (3).

CONFIRMER LE DIAGNOSTIC

Confirmer le diagnostic n'est pas simple, ce trouble est peu connu et les intervenants peu nombreux.

-› En pratique, il faut prendre rendez-vous avec un neuropédiatre qui va établir un bilan des capacités praxiques de l’enfant (il existe différentes sortes de dyspraxies) et dépister d’éventuels autres troubles des apprentissages. L’évaluation des praxies doit aussi être réalisée par un ergothérapeute en libéral ou dans un centre mais ceux-ci sont rares. Le recours à un Centre des troubles des apprentissages (40 répartis en France) est une bonne solution.

-› Un examen neurovisuel spécifique analysant l’oculomotricité est à prévoir surtout dans les dyspraxies visuoconstructives qui sont les plus handicapantes au quotidien ; les enfants sont gênés pour la représentation dans l’espace, la géométrie, poser les additions, se repérer dans les tableaux, etc.

-› Avant de parler de dyspraxie, il faut avoir éliminé un déficit moteur, sensoriel ou intellectuel et savoir que le quotient intellectuel (QI) total n'a souvent pas de valeur chez les dyspraxiques chez qui existe une dissociation aux tests psychométriques de Wechsler, entre le niveau verbal et les performances non verbales. Les épreuves de raisonnement sont dans la norme, les épreuves nécessitant une analyse visuelle et visuocontructive sont les plus échouées (assemblages d’objets, complètement d’images, cubes)

LA PRISE EN CHARGE

« Poser un diagnostic, expliquer la dyspraxie et ses incidences, c’est l’étape fondamentale qui va dédramatiser et « sauver » parents et enfant », souligne Marie Pierre Lemaitre. « Ce déficit invisible est en effet particulièrement perturbant pour les parents et provoque des troubles anxieux voire dépressifs chez l’enfant qui du couop est très dévalorisé ».

-› Le premier travail, c’est essentiellement celui de la revalorisation et de la déculpabilisation de l’enfant (… et des parents), en expliquant que celui-ci n'est ni bête ni de mauvaise volonté, qu’il ne le "fait pas exprès". Etre dyspraxique ne veut pas dire ne pas être pas intelligent, mais du fait de sa pathologie l’enfant doit faire plus d’effort que les autres pour réaliser certaines choses et cela lui prend plus de temps.

-› La rééducation ne permet pas à l’enfant de guérir, mais permet à l’enfant de compenser son déficit en « faisant autrement », de manière à ce que cela n'handicape pas trop sa vie.

-› Suivant le degré de dyspraxie, des aménagements scolaires sont nécessaires. Pour cela, il faut entreprendre une démarche pour une reconnaissance du handicap auprès des MDH (maison départementale du handicap) et faire une demande d’ALD. Par exemple, l’ordinateur aide bien les enfants ayant du mal à prendre des notes en classe.

Perturbante en primaire et en maternelle, la dyspraxie isolée devient moins gênante au collège. Un enfant avec une dyspraxie isolée bien accompagnée peut « s'en sortir » et avoir une scolarité normale, mais le parcours reste difficile pour lui et ses parents (2).

Dr Catherine Freydt (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr) sous la direction du Dr Marie Pierre Lemaitre (Responsable du Centre d'expertise des troubles des apprentissages. CHRU Roger Salengro. Service de neurologie pédiatrique. 59037 Lille cdx).

Source : Le Généraliste: 2516