LE CONTEXTE
À l’adolescence, plus de 10 % des jeunes filles et 3 % à 4 % des garçons sont touchés par les troubles des conduites alimentaires (TCA) au sens large : anorexie et boulimie, mais aussi hyperphagie et formes subsyndromiques où l’on retrouve un niveau excessif de préoccupations concernant la nourriture et le poids.
Les TCA, sous-diagnostiqués, sont source de complications somatiques (troubles dentaires, altération de la fertilité, déminéralisation osseuse, …) et psychiques (troubles anxiodépressifs, abus de toxiques, isolement social, difficultés relationnelles et professionnelles…) mais aussi de surmortalité, avec un sur-risque de suicide. L’enjeu est d’autant plus important qu’une prise en charge précoce améliore le pronostic. La connaissance des facteurs de risque de TCA rend possible cette prise en charge précoce.
FACTEURS DE RISQUE PERSONNELS
Il existe des facteurs de risque liés à des éléments biographiques tels une puberté précoce ou des traumatismes. Les autres facteurs de risque personnels sont en lien avec des préoccupations pondérales et des insatisfactions corporelles.
> Les patients sont particulièrement à risque de développer un TCA sont schématiquement « ceux qui ont un niveau important de préoccupations autour du poids », affirme le Dr Renaud de Tournemire. À savoir :
- les adolescentes et jeunes femmes : 31 % des jeunes filles ayant une corpulence normale ou excessivement basse se trouvent « un peu ou beaucoup trop grosses », alors que « seuls » 15 % des garçons du même âge sont concernés ;
- parmi les jeunes hommes souffrant de TCA, un tiers seraient homosexuels ;
- les enfants et adolescents en surpoids ou obèses ;
- les enfants dont les parents sont atteints de TCA ou ayant des pratiques de contrôle de leur poids ;
- les sportifs, en particulier dans les sports d’endurance, ceux avec des critères esthétiques et ceux avec des catégories de poids. Les visites de non-contre-indication à la pratique sportive sont un moment propice au repérage ;
- les jeunes ayant des pathologies les obligeant à suivre un régime particulier (diabète, hypercholestérolémie familiale…).
LE REPÉRAGE
> Les paramètres anthropométriques.
Les recommandations de bonne pratique de la HAS de 2010 sur l’anorexie mentale insistent sur :
- le suivi de la croissance staturo-pondérale (variation rapide de la corpulence, ralentissement de la croissance) ;
- mais aussi la présence de douleurs abdominales ou de nausées répétées ;
– un retard pubertaire/aménorrhée (primaire ou secondaire) ;
- l’hyperactivité physique et/ou l’hyperinvestissement intellectuel.
Cependant, les mesures anthropométriques, en médecine de ville, sont insuffisantes : il est nécessaire de rechercher activement une insatisfaction corporelle, de s’interroger devant une obsession de la minceur, de repérer les jeunes portant des tenues vestimentaires très amples (concernant généralement ceux qui ont conscience de leur maigreur et qui la dissimulent) ou très près du corps (qui sont généralement ceux chez qui la dysmorphophobie est la plus sévère), les sélections alimentaires et les dissimulations d’aliments, la volonté de contrôler l’alimentation des proches, une « passion nouvelle » pour la cuisine, l’orthorexie, le comptage des calories et les vomissements post-prandiaux.
> L’interrogatoire.
- Il est possible de poser seulement 2 questions : « As-tu ou as-tu eu un problème avec ton poids ou ton alimentation ? » et « Est-ce que quelqu’un de ton entourage pense que tu as un problème avec l’alimentation ? ». La deuxième question est mieux acceptée des adolescents(e)s …
- Le questionnaire DFTCA (définition française des troubles du comportement alimentaire), pour lequel deux réponses affirmatives sont fortement prédictives de TCA avec une sensibilité > 92% et une spécificité > 91,5%.
1- Te fais-tu vomir parce que tu te sens mal d’avoir trop mangé ?
2- T’inquiètes-tu d’avoir perdu le contrôle de ce que tu manges ?
3- As-tu récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ?
4- Penses-tu que tu es gros(se) alors que d’autres te trouvent trop mince ?
5- Dirais-tu que la nourriture domine ta vie ?
LES FACTEURS DE RISQUE FAMILIAUX
Les commentaires critiques sur le poids et le corps au sein de la cellule familiale sont un facteur de risque de TCA. Le Dr De Tournemire a cité les travaux de la psychologue Solange Cook-Darzens, qui a proposé huit recommandations destinées aux parents :
1- Offrez à l’enfant un modèle parental sain, tant dans l’acceptation de votre corps que dans vos habitudes alimentaires et vos activités physiques. Évitez les régimes ou comportements peu sains, évitez les commentaires négatifs sur votre propre corps/poids, faites régulièrement mais sans excès de l’exercice physique ou une activité sportive agréable.
2- Évitez les conversations et commentaires fréquents sur le poids, l’apparence physique et l’alimentation
3- Créez un environnement alimentaire sain, soutenant et cohérent : repas familiaux réguliers, sans cataloguer les aliments en « sains, bons, autorisés » vs « malsains, mauvais, interdits »
4- Adoptez une posture de promotion de la santé qui se concentre sur les comportements et la santé globale plutôt que sur le poids
5- Apportez soutien et affection ; proscrivez le chantage affectif impliquant le poids et l’alimentation
6- Estimez-vous vous-même
7- Filtrez ou ne renforcez pas certains messages socioculturels
8- Comprenez le développement normal de l’enfant et de l’adolescent (dont les changements physiques, la prise de poids et l’accentuation des conflits liés à la puberté) ; connaissez les signes et symptômes de TCA
> Lors de la prise en charge précoce d’un TCA « banal », la famille doit être aidée à tenir une fonction soutenante - d’autant plus que le/la patient(e) est jeune - afin de faire face aux difficultés de l’adolescent(e) et de ne pas se centrer uniquement sur ses symptômes alimentaires. Le paradigme a changé : il ne s'agit plus de rechercher à tout prix un problème structurel familial à réparer mais, au contraire, de construire un partenariat solide avec la famille, en lui attribuant un rôle de « co-thérapeute » plutôt que de « co-malade », voire une toxicité.
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