Diabète

SE PIQUER LES DOIGTS : POUR QUOI FAIRE ?

Publié le 22/09/2017
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Chez le diabétique de type 2, le ratio bénéfice/risque de l'autosurveillance glycémique est défavorable. Une nouvelle étude qui conforte les recommandations de la HAS.
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Crédit photo : CRISTINA PEDRAZZINI/SPL/PHANIE

Autosurveillance glycémique chez les patients diabétiques de type 2 non insulinotraités en médecine générale : un essai randomisé
Young LA, Buse JB, Weaver MA, et al. Glucose Self-Monitoring in Non – Insulin-Treated Patients With Type 2 Diabetes in Primary Care Settings : A Randomized Trial
JAMA Intern Med. 2017 ; 177(7):920-929. http://dx.doi.org/10.1001/jamainternmed.2017.1233

CONTEXTE

Si l’autosurveillance glycémique (ASG) est indispensable chez les diabétiques de type 1 et de type 2 (DT2) insulinotraités pour ajuster les doses d’insuline, elle est très controversée chez ceux traités par hypoglycémiants oraux. Plusieurs essais (1) ont démontré son intérêt modeste sur le contrôle glycémique (environ -0,3 % sur l’HbA1c) alors que d’autres ont démontré le contraire (2) ou ses aspects délétères sur l’état psychologique ou la qualité de
vie des patients (3). Les tenants de l’ASG postulent qu’elle améliore la connaissance des patients sur leur glycémie et, donc, favorise les modifications du mode de vie, ce qui n’est pas formellement démontré.

OBJECTIFS

Evaluer l’impact de l’ASG sur le contrôle glycémique et la qualité de vie des patients DT2 non insulino-traités.

MÉTHODE

Essai randomisé comparatif ayant inclus des patients DT2 traités par hypoglycémiants oraux, âgés d’au moins 30 ans et ayant une HbA1C comprise entre 6,5 % et 9,5 % dans les 6 mois précédent l’inclusion. Ils ont été randomisés en trois bras ayant tous reçu des conseils sur le mode de vie : un bras sans ASG (témoin), un bras avec une ASG par jour (ASG) et un bras avec une ASG par jour associée à un feedback individualisé immédiat (basé sur un algorithme) qui proposait des conseils alimentaires via un smartphone (ASG +). Les deux critères de jugement principaux étaient la variation de l’HbA1c par rapport à l’inclusion et celle de l’échelle de qualité de vie générique SF36 à la semaine 52. Il fallait inclure 150 patients par groupe pour démontrer une différence de 0,33 % d’HbA1c entre le groupe témoin et les deux groupes ASG avec une puissance de 90 % et un risque alpha < 0,05. L’analyse statistique a été faite en intention de traiter à l’aide d’un modèle ANCOVA comparant chacun des deux bras ASG vs le bras témoin, les deux bras ASG entre eux puis poolés versus le bras témoin.

RÉSULTATS

Sur les 1 032 patients éligibles, 450 ont été randomisés dans les trois bras. Leurs caractéristiques étaient comparables à l’inclusion : âge moyen = 61 ans, 54 % de femmes, IMC médian = 33 kg/m2, ancienneté médiane du DT2 = 6 ans, HbA1c moyenne = 7,5 %. Près de 93 % des patients ont eu une mesure de l’HbA1c et de la qualité de vie à la semaine 52.

L’observance des patients en termes d’ASG quotidienne a diminué de 40 % dans le groupe ASG et de 60 % dans le groupe ASG + entre l’inclusion et la semaine 52. À 1 an, l’HbA1c a augmenté de 0,04 % dans le groupe témoin, diminué de 0,05 % dans le groupe ASG et de 0,1 % dans le groupe ASG +, sans différence significative entre les groupes quelles que soient les comparaisons deux à deux : p = 0,74 et p = 0,48.
Il en a été de même sur l’échelle de qualité de vie SF36, aussi bien dans sa dimension physique (p = 0,48 et 0,50 quelles que soient les comparaisons deux à deux) que mentale (p = 0,90 et > 0,99).

COMMENTAIRES

Ce très beau travail méthodologiquement solide conduit par quinze cabinets universitaires de médecine générale de Caroline du Nord (USA) est un caillou de plus dans les souliers des apôtres de l’ASG chez les patients DT2 non insulinotraités malgré sept essais publiés parvenant aux mêmes conclusions (4).

Prudents, les auteurs insistent sur le fait que les patients ayant accepté d’être randomisés dans cet essai (75 % d’entre eux avaient déjà pratiqué l’ASG, car nous sommes aux États-Unis) n’étaient peut-être pas comparables à ceux de la pratique courante qui n’en ont jamais fait. Encore plus prudents et diplomates, ils concluent que la décision de proposer l’ASG à ce type de patients DT2 doit être particulièrement pesée et individualisée, ce qui revient à sélectionner les patients qui font une « fixette » permanente sur leur glycémie ou qui sont un peu masochistes.

En pratique, le ratio bénéfice/risque de l’ASG est défavorable compte tenu de son absence d’efficacité sur des critères intermédiaires. Comme le précise le guide du parcours de soins du DT2 de la Haute Autorité de santé (5), la population de patients DT2 non insulinotraités susceptibles de bénéficier de l’ASG est extrêmement restreinte se limitant à ceux traités par insulinosécréteurs (sulfamides ou glinides, seuls ou associés à d’autres médicaments antidiabétiques) quand des hypoglycémies sont soupçonnées, et aux femmes enceintes.

Bibliographie

1- Guerci B, Drouin P, Grangé V et al. Self-monitoring of blood glucose significantly improves metabolic control in patients with type 2 diabetes mellitus. Diabetes Metab 2003;29:587-94.
2- Towfigh A, Romanova M, Weinreb JE et al. Self-monitoring of blood glucose levels in patients with type 2 diabetes mellitus not taking insulin: a meta-analysis. Am J Manag Care 2008;14:468-75.
3- O’Kane MJ, Bunting B, Copeland M. Efficacy of self monitoring of blood glucose in patients with newly diagnosed type 2 diabetes: randomized controlled trial. BMJ 2008;336:1174-77.
4- Malanda UL, Welschen LM, Riphagen II et al. Self-monitoring of blood glucose in patients with type 2 diabetes mellitus who are not using insulin. Cochrane Database of Systematic Reviews. http://onlinelibrary.wiley.com.libproxy.lib.unc.edu/doi/10.1002/1465185….
5- Haute Autorité de
santé. https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1735060/fr/guide-parcours-de-so…

LIENS D'INTERETS
Aucun.

Dr Santa Felibre (Généraliste Enseignant, Paris)

Source : Le Généraliste: 2806