Les syndicats médicaux confrontés aux promesses de François Hollande

Encadrer le secteur II, la négociation impossible?

Publié le 22/05/2012
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Crédit photo : S TOUBON

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À PEINE NOMMÉ, le gouvernement entend s’atteler à l’épineux dossier des dépassements d’honoraires, un des rares dossiers santé à avoir percé pendant la bataille de la présidentielle. Selon l’assurance-maladie, sur les 5,7 milliards d’euros à la charge des Français ou de leurs mutuelles en 2011, 2,3 milliards sont imputables aux dépassements. Surtout, diverses enquêtes ont mis en lumière ces derniers mois des dérives tarifaires (en ville et à l’hôpital), au risque parfois d’amalgames avec les dépassements autorisés et pratiqués avec tact et mesure.

Dans ses engagements de campagne (1), François Hollande a défendu deux propositions pour endiguer voire supprimer des dépassements jugés « insoutenables pour les patients » et qui « conduisent à des renoncements aux soins » : encadrer « fermement par spécialité et par région » les dépassements et limiter l’installation des médecins de secteur II en zones surdotées. Il revient à Marisol Touraine, nouveau ministre de la Santé, d’appliquer cette feuille de route. L’idée serait d’ouvrir rapidement la négociation avec l’objectif d’un accord conventionnel - Sécu, médecins, complémentaires - avant l’automne, sous forme d’avenant. Faute de quoi, le gouvernement prendrait ses responsabilités par voie législative.

La ligne rouge du SML.

« L’été sera âpre », grince déjà le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médecins français (CSMF) pour qui, clairement, « les négociations vont échouer ». En cause, des mesures à « la mise en œuvre compliquée, voire infaisable. Et nous sommes en 2012, pas en 1980 : 35 % des médecins exercent en secteur II, on ne peut pas facilement revenir là-dessus ».

Même son de cloche du côté du BLOC, majoritaire parmi les spécialistes de plateaux techniques. Non-signataire de la convention 2011, l’intersyndicale est déterminée à jouer les trouble-fête : « 88 % des chirurgiens sont en secteur II, défend le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC. Autant dire qu’on ne laissera pas aux syndicats polycatégoriels le soin de négocier l’avenir de la profession à notre place ». Pour le chirurgien vasculaire, encadrer les dépassements par région (et donc accorder à tel territoire un plafond supérieur à tel autre) favoriserait les effets d’aubaine et les déséquilibres démographiques. « C’est aller à l’encontre de la politique de lutte contre les déserts médicaux », renchérit le Dr Chassang.

Depuis longtemps, le SML a prévenu pour sa part que l’encadrement « arbitraire » du secteur II serait une ligne rouge, un casus belli.

Le parcours remboursable de MG France.

Partisan d’un parcours de soins garantissant aux assurés des tarifs remboursables (en incluant la prise en charge par les complémentaires), le Dr Claude Leicher, président de MG France, met en garde contre toute solution au rabais : « Contingenter le secteur II pour les nouveaux arrivants n’empêche en rien les médecins installés de continuer à pratiquer des dépassements ».

Les syndicats de spécialistes, à ce stade, campent sur leurs positions. Pour la CSMF, le seul moyen de résoudre la question des dépassements reste le secteur optionnel (avec compléments encadrés et solvabilisés), sur une base volontaire. « On ne s’en sortira pas sans », affirme le Dr Chassang, déplorant que François Hollande souhaite revenir sur l’option de coordination récemment élargie (à la faveur d’une réglementation décidée par Xavier Bertrand). Le BLOC, qui milite pour « rendre le secteur optionnel accessible aux praticiens de secteur I, injustement punis depuis vingt ans », avance une suggestion : bouter « hors convention la minorité qui s’octroie des compléments d’honoraires indécents, sans tact ni mesure ».

MG France prévient qu’il ne cautionnera pas une réforme qui « n’améliore en rien l’accès aux soins ».

(1) « Le Quotidien » du 16 avril 2012

 ANNE BAYLE-INIGUEZ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9129
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