La jeune génération de médecins réclame souplesse, ouverture et modernité

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Publié le 13/12/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

La nouvelle génération de médecins partage une vision critique du CHU d'aujourd'hui, considéré comme « dépassé » à plus d'un titre.

Le diagnostic est clair : les carrières hospitalo-universitaires souffrent d'un manque d'attractivité criant, la formation reste trop hospitalo-centrée et la communication entre la ville et l'hôpital laisse sérieusement à désirer.

Pour le Dr Yannick Schmitt, généraliste et président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), la déconnexion entre le CHU et la ville a des répercussions sur la coordination et la pertinence des parcours de soins : « Le patient est parfois hospitalisé dans des services trop spécialisés où les praticiens sortent l'artillerie lourde alors que bien souvent, les bilans ont déjà été effectués en ville et personne nous appelle ». La présidente des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), Lucie Garcin, enchérit : « Le médecin traitant n'est parfois pas au courant de l'hospitalisation de son patient ou de son changement de traitement. »

Abrogation des ordonnances Debré

La formation (théorique et pratique) dans les CHU est également remise en question. Si les jeunes généralistes l'estiment trop « hospitalo-centrée », les carabins de l'ANEMF considèrent l'enseignement comme le parent pauvre du CHU. « Les PU-PH font trois ou quatre missions différentes. L'enseignement n'est pas valorisé et les étudiants en pâtissent lors de leur cursus », juge la présidente Clara Bonnavion.

Une redéfinition des statuts est réclamée par le syndicat des Jeunes Médecins qui revendique même l'« abrogation » des ordonnances Debré. « Aujourd'hui, le praticien cumule les trois activités. Le soin prend beaucoup de place et le temps accordé aux autres missions (enseignement, recherche) n'est pas respecté », explique le Dr Emanuel Loeb, président de la structure, qui souhaite sanctuariser ces missions. « Il faut créer deux nouveaux postes. Le praticien universitaire contractuel (PUC) qui signe un contrat de quatre ans et choisit parmi la valence d'enseignement et/ou de recherche en plus du soin et le praticien universitaire - praticien clinicien (PU-PC). Il a les mêmes conditions mais il est titulaire. »

La rigidité statutaire au sein du CHU pénalise l'attractivité, les jeunes souhaitant le développement de l'exercice et des parcours mixtes. Les internes de l'ISNI proposent même d'instaurer ce statut mixte (50 % à l'hôpital et 50 % en ville) dès la phase de consolidation de l'internat pour coller aux désirs de la jeune génération.

Fin du monopole dans la recherche 

Autre sujet récurrent de mécontentement des juniors : le manque de visibilité des carrières hospitalo-universitaires et de postes octroyés pour le post-internat.

Quelque 3 600 postes de chefs de clinique (CCA) sont accessibles chaque année. « Ce chiffre est égal à celui de 1995 alors que le numerus clausus a augmenté et que le poste de chef de clinique de médecine générale a été créé », fulmine le Dr Loeb. « À Lyon, il y a un poste de CCA pour cinq internes pour la néphrologie ! illustre Antoine Reydellet, président de l'ISNI. Les internes se donnent beaucoup pour, au final, ne pas savoir s'ils auront un poste ou non. Cette incertitude a des conséquences sur leur projet professionnel. »

Quant à la recherche, elle est centralisée dans les CHU et sous-développée voire quasi-inexistante dans les autres établissements et en ville, déplorent enfin les jeunes. Les chefs de clinique veulent que ce « monopole » soit cassé. « L'université doit reprendre la main sur la stratégie de recherche tout en contractualisant avec l’ensemble des offreurs de soins du premier comme du second recours », plaide le Dr Loeb.

L'ISNI abonde en ce sens : les barrières doivent tomber. « Pourquoi pas un statut pour les praticiens qui souhaitent faire de la recherche en dehors des CHU ? Ça serait un nouveau vecteur d'attractivité dans certains établissements aujourd'hui délaissés », suggère Antoine Reydellet.

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin: 9710