CAMPAGNE TARIFAIRE 2011

Poignardées dans le dos, les CME de CHU ripostent

Publié le 25/03/2011
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Crédit photo : S TOUBON

Après les personnels, les communautés médicales des CHU, traditionnellement très discrètes, montent au créneau : elles se disent dupées par des pouvoirs publics qui ont changé les règles du jeu en cours de route, bloquant ainsi la modernisation en cours de leurs établissements.

ILS SORTENT rarement de leurs gonds mais cette fois-ci, ils explosent. Les présidents des commissions médicales d’établissement (CME) de CHU se sentent trahis par les pouvoirs publics et ils le font savoir. Leur parole est de poids. Élus par leurs pairs, ils parlent au nom de quelque 45 000 médecins et internes ; depuis la loi HPST, ils sont en outre les premiers vice-présidents des directoires de leurs hôpitaux.

Pour l’occasion, la langue de bois n’est pas de mise : les « patrons bis » des CHU dénoncent rien de moins que « le démantèlement du service public hospitalier ».

Que se passe-t-il donc, pour que le Pr Alain Destée, président de la Conférence des présidents de CME de CHU, fasse ce diagnostic : « Notre morosité s’est transformée en grande inquiétude et, pour certains, en mouvements de révolte. » ? Lancée il y a bientôt un mois, avec des règles qui ne sont pas encore entièrement fixées – des textes restent à paraître –, la campagne budgétaire 2011 affole l’hôpital public. Tarifs en baisse (-0,7 %, pour compenser une progression de l’activité estimée à +2,4 % en volume), enveloppes rétribuant les missions d’intérêt général et l’aide à la contractualisation (MIGAC) tronquées (« le Quotidien » du 1er mars) : « les règles du jeu ont changé » et elles ont changé en cours de route et sans coup férir, s’indignent les présidents de CME de CHU ; elles ne sont ni « claires », ni « transparentes », ni « équitables », déplore le Pr Destée.

La « trahison » touche des présidents de CME dans une position particulière : « Nous avons, rappelle le Pr Pierre Coriat, patron de la CME de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), poussé nos communautés médicales à se responsabiliser, à évoluer, à faire changer l’offre de soins. Nous les avons amenées à s’impliquer dans une gestion médico-économique de nos établissements ; les médecins se sont engagés. Qu’obtenons-nous en réponse à cet investissement ? Une diminution de nos ressources qui va bloquer toute perspective de restructuration des CHU et toute modernisation de l’offre de soins. Cela crée un profond malaise. Nous ne l’acceptons pas. » À en croire les patrons de CME, la faiblesse des crédits gèle des chantiers primordiaux : « Ne plus avoir d’aide à la contractualisation, cela signifie, par exemple, qu’on ne peut plus transformer des lits conventionnels en hôpital de jour car ce genre d’opération nécessite un scanner, un IRM, de quoi faire de l’ambulatoire », explique le Pr Coriat.

Un dessein politique ?

Pour la Conférence, il y a une intention derrière ces décisions budgétaires : « Dans cinq ans, pronostique le Pr Pierre Mares, président de la CME du CHU de Nîmes, on va se retrouver avec des structures chères qui ne répondront pas aux besoins. On nous dira alors "Vous n’êtes pas compétents pour assurer les missions de service public, on va les donner à d’autres". » Le Pr Coriat va plus loin : « C’est un transfert de déficit de l’assurance-maladie vers l’hôpital public. Notre crainte est que certains hôpitaux ne survivent pas à cette politique. »

Les présidents de CME de CHU ne sont pas des boutefeux. Ils n’appellent pas leurs confrères à un grand soulèvement. Mais ils font tout de même remarquer que 2012 approche à grand pas et soulignent, avec Alain Destée : « Nous avons une écoute. Nous voyons chaque année des millions de personnes [18 millions de consultations ont été réalisées dans les CHU en 2009, NDLR]. Nous risquons de tenter d’expliquer davantage notre situation. Dans une perspective électorale, l’écoute sera différente… »

 KARINE PIGANEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8931