Président de l'Institut Sainte Catherine (Avignon), établissement de santé privé d'intérêt collectif (Espic) spécialisé dans le dépistage et le traitement des tumeurs cancéreuses, Roland Sicard sonne l’alarme face à la pénurie de personnel médical qui allonge les délais de prise de charge et entraîne la fermeture d'unités ou de services. Le directeur de l'établissement vauclusien (550 salariés), membre d'Unicancer (fédération nationale des centres de lutte contre le cancer), invite les candidats à la présidentielle à s’engager à prendre des mesures d'urgence pour remédier au manque de personnel.
LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation sur le plan des ressources médicales dans les centres de lutte contre le cancer ?
ROLAND SICARD : L’inquiétude ne cesse de grandir. Les recrutements sont de plus en plus difficiles en raison de la pénurie de médecins. Les internes qui nous dépannaient autrefois sont devenus des ressources rares, réaffectées là où on en a le plus besoin ! Résultat : dans les grandes spécialités, on a du mal à faire tourner nos services en s’appuyant sur des internes ; même si, en soi, ce n’est pas une mauvaise chose, car les internes sont là pour être formés, et pas pour faire tourner les services en pénurie.
Comment l'Institut Sainte Catherine tire-t-il son épingle du jeu pour recruter ?
On essaye de leur proposer un joli plan de carrière et le meilleur outil de travail. Et bien sûr la meilleure rémunération possible, même si nous sommes alignés sur les niveaux de rémunération de l’hôpital public. Mais quand je recrute un médecin, il me dit régulièrement "nous n’avons pas encore trouvé de remplaçant dans mon ancien service, donc laissez-moi du temps pour qu’ils puissent recruter, sinon le service va fermer".
Nous avons donc aujourd’hui entre trois et cinq postes vacants de médecins sur un effectif total de 30 à 35 médecins, donc 5 à 10 % de l’effectif est vacant. Tout cela dans un contexte où l’activité de l’institut augmente de 2 % par an, en raison d’une forte croissance démographique dans le département.
Comment la situation a-t-elle évolué ces dernières années ?
Autrefois, j’avais des CV en réserve, je n’avais plus qu’à recruter… Aujourd’hui, il me faut entre six mois et un an pour recruter un médecin. Quand je discute avec des directeurs d’hôpitaux généraux, les postes de médecins sont parfois vacants durant un, deux ou trois ans ! C'est très préoccupant, car cela entraîne la fermeture de services ou l’allongement des délais de prise de charge.
Par exemple, dans le département du Vaucluse, nous aurions besoin de 20 à 24 radiologues, tous établissements confondus, mais seuls 16 radiologues sont en exercice. Conséquence : pour une mammographie non urgente, les délais de rendez-vous oscillent entre 9 et 12 mois… Par ailleurs, nous n’avons pas pu ouvrir l’une de nos cinq unités d’hospitalisation durant la crise sanitaire, car je n’avais pas les médecins pour la faire tourner.
Quelles solutions proposez-vous ?
Les effets de l’augmentation du numerus clausus ne seront pas visibles avant 2030, il faut trouver des solutions avant. Je crois beaucoup en la délégation de tâches, pour permettre aux médecins de se concentrer sur leur cœur de métier.
Les médecins de mon institut mettaient autrefois un quart d’heure pour faire l'ordonnance de sortie d’hospitalisation, contre trois quarts d’heure aujourd’hui, en raison des nouvelles réglementations ou exigences. Ce sont pourtant des tâches que des infirmières en pratique avancée pourraient parfaitement réaliser. Il faut donc revoir les formations de notre personnel paramédical pour les aider à monter en compétences afin d'opérer cette délégation de tâches. Tout le monde doit se mettre autour d’une table pour trouver des solutions : les instituts de formation, les universités, les professionnels, l’Ordre des médecins, des pharmaciens, des infirmiers, etc.
Avez-vous un message aux candidats à la présidentielle ?
La position de la fédération Unicancer est la suivante : il ne faudrait surtout pas oublier le système hospitalier une fois la crise Covid passée, se contenter de dire que l’on a dépensé des millions d'euros avec le Ségur de la santé. Car ces millions ou ces milliards ne résoudront pas le problème de la pénurie d’effectifs. Nous sommes dans une situation extrêmement urgente. Si l’on veut sauver notre système de santé, chaque candidat doit s’engager, dès aujourd’hui, sur des mesures rapides et très concrètes, dès les 100 premiers jours de son mandat.
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