À l'hôpital, « on va essorer ceux qui restent » : à un mois de l'encadrement des tarifs de l'intérim médical, le Snphare sonne l'alarme

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Publié le 28/02/2023
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Crédit photo : Burger/Phanie

Le gouvernement va-t-il enfin réussir à plafonner les rémunérations des praticiens intérimaires ? Seize mois après le rétropédalage d’Olivier Véran, son successeur entend faire appliquer dès avril l’article 33 de la loi Rist (encadrement strict des tarifs de l'intérim médical). Concrètement, cela signifie que le comptable public bloquera toute rémunération supérieure au plafond réglementaire de 1 170 euros pour 24 heures, à partir du 3 avril« Ce sera par endroits difficile, cela pourra tanguer mais j’ai la conviction qu’il ne faut pas lâcher », a assumé François Braun qui demande aussi aux cliniques privées de jouer le jeu de la modération salariale.

Mais certains sont dubitatifs, voire très inquiets, à l’image du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare) qui rappelle la crise profonde de l’hôpital public – pénurie de personnels, fermetures de services, etc. – et le risque de destabilisation supplémentaire de l'hôpital avec l'application de cette loi. Dans ce contexte, « nous n’avons, actuellement, pas d’autre choix raisonnable » que le recours à l'intérim, recadre le Snphare. Pire, l'application stricte de l'article 33 risque d'entraîner une « fermeture massive de service hospitaliers ». Ce qui fait dire au Snphare qu'il s'agit d'une « mauvaise blague ».

En faire toujours plus, décaler des congés

Ce n'est pas l'avis des tutelles, qui comptent appliquer la loi, quitte à « essorer ceux qui restent, ceux qui ont tenu l’hôpital debout depuis deux ou trois dizaines d’années », fustige le syndicat. Selon le Snphare, les directions d'établissement demandent en effet aux PH d’en faire toujours plus : renoncer à leurs congés (« les réduire, les décaler »), faire davantage de temps de travail additionnel (TTA), y compris hors de leur établissement (avec la « prime de solidarité territoriale »).

Cerise sur le gâteau : les directions hospitalières réclament  aux docteurs juniors (en fin d'internat) « d’en faire encore plus », c’est-à-dire de « travailler au-delà des 60 à 70 heures par semaine », se désole le syndicat. Ce qui revient là encore à « essorer les internes, alors qu’ils n’ont pas leur fini leurs études », confirme au « Quotidien » la Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du Snphare.

Quant à la prime de solidarité territoriale (PST), censée déjà combattre les dérives de l'intérim, elle risque de mettre en danger la santé de PH déjà épuisés par leurs propres obligations de service, souligne l’anesthésiste du CH de Perpignan. Cette prime permet à des médecins hospitaliers d’effectuer, en dehors de leurs obligations de service, au moins une demi-journée par mois d’exercice dans un autre hôpital. Cela signifie que « vous passez vos week-ends dans d’autres établissements, comme si cela ne suffisait pas de travailler un week-end sur trois ou quatre », s’inquiète la Dr Geffroy-Wernet.

Dans ce contexte, la présidente du Snphare se demande comment les hôpitaux réussiront à appliquer la loi alors que « pas mal d’intérimaires ont déjà décidé de ne pas prendre de mission en avril prochain ». D'autant que les PH en poste « ne pourront très probablement pas faire davantage que ce qu’ils font aujourd’hui ».

Plan attractivité

Les conséquences « en termes de pertes de chances pour les patients » seront « de la seule responsabilité du gouvernement », met en garde le Snphare qui milite de longue date pour de véritables mesures d'attractivité et de fidélisation des PH.

Le syndicat exige toujours « un geste fort » en faveur des praticiens en poste (nommés avant octobre 2020) concernés par la perte de 4 ans d'ancienneté (par rapport aux PH nouvellement nommés). Il souhaite aussi l’ouverture promise du chantier de la permanence des soins avec un volet financier prévoyant la revalorisation « pérenne » des indemnités de garde à 744 euros brut par garde, du temps de travail en astreinte mais aussi du TTA – soit 650 euros brut pour 5h de travail supplémentaire – sans oublier un volet pénibilité. 


Source : lequotidiendumedecin.fr