Hôpital : sous pression, François Braun relève le plafond des tarifs des intérimaires et dope la prime de solidarité territoriale

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Publié le 27/03/2023
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Crédit photo : BFM Tv

À quelques jours seulement de l’application de l’article 33 de la loi Rist (encadrement des tarifs de l'intérim médical), le ministre de la Santé, sous haute pression, a tenté de trouver une voie de passage entre fermeté sur le principe du plafonnement et ouverture sur les montants des rémunérations.

En déplacement au centre hospitalier intercommunal Alençon-Mamers (CHICAM), François Braun a d'abord dénoncé, une fois de plus, les « dérives » de « l'intérim mercenaire qui pousse les rémunérations au-delà du raisonnable et pousse in fine vers la destruction de notre service public hospitalier ». « Si, demain, tous les médecins font de l’intérim, on voit bien que l’hôpital ne pourra plus fonctionner », a mis en garde le ministre.

Mais deux gestes d'ouverture ont été faits pour éviter le risque de désorganisation des hôpitaux, faute de bras début avril. Le premier, non négligeable, consiste à revaloriser le plafond réglementaire (qui était initialement prévu à 1 170 euros pour 24 heures, à partir du 3 avril). François Braun a demandé à ses équipes de « travailler sur l’adaptation de ce tarif à la valeur de 2023 » pour aboutir à un nouveau plafond de « 1 390 euros brut » pour 24 heures de travail, soit une hausse de près de 20 %. « En prenant en compte les frais de déplacement, plus les frais d’hébergement, plus les frais de voiture, c’est plus que raisonnable ! », assure le ministre.

Revalorisation de la PST

François Braun a également décidé de donner un coup de pouce à la prime de solidarité territoriale (PST) qui s'adresse cette fois aux PH en poste, qui en plus de leur travail habituel, « acceptent d’aller travailler dans un autre hôpital en difficulté ». Les ARS auront désormais la possibilité d’augmenter la PST de « 30 % ». « Cela veut dire que l’on peut aller jusqu’à 2 200 euros brut sur 24 heures pour quelqu’un qui accepte de travailler le week-end, et 1 700 euros brut en semaine  », précise le ministre. Selon lui, ces tarifs se situent volontairement « au-delà de la valeur de l’intérim » pour donner envie aux médecins de rester ou de revenir à l'hôpital. 

Interrogé sur les difficultés probables dans les jours et semaines qui viennent, François Braun s'est montré plutôt rassurant. « Nous ne laisserons pas la population française en difficulté dans certains territoires. Mais cela restera dans le cadre de ce qui est réglementaire. Il n’y aura pas d’exceptions à la règle », a prévenu le ministre.

Ce déplacement est intervenu dans un contexte de tension, alors que s'exprimait la colère du Syndicat national des médecins remplaçants hospitaliers (SNMRH). Dans une lettre ouverte aux élus (députés, sénateurs, maires, etc.) datée du 26 mars, le syndicat exige l’abrogation totale et définitive de la loi Rist qui « promet de diviser notre salaire horaire par deux, soit 25 à 30 euros/heure », avec à la clé la menace de fermeture de dizaines de services et lignes de garde, faute de médecins. 

69 hôpitaux et 107 services menacés ?

Sous prétexte de « moralisation et de dénonciations de quelques brebis galeuses que nous condamnons fermement », le plafonnement des rémunérations des praticiens intérimaires vise à « détruire encore davantage l’hôpital public », assène le Dr Éric Reboli. Pour le président du SNMRH, cette réforme irait même dans le sens d’une « privatisation sournoise de notre système de santé ».

Selon une étude du SNMRH datée du 23 mars, basée sur les heures de travail et les plannings de ses adhérents, « 69 hôpitaux et 107 services » seraient menacés de fermeture imminente (lire le tableau ci-dessous). Seraient concernés par des fermetures les CHU de Saint-Étienne ou de Martinique, mais aussi les CH de Bastia, Bourges, Lannion, Bergerac, Laval, Millau, Morlaix, Lens, Grasse, Blois, Digne, Manosque, Sisteron, Mayenne, Nevers ou encore Fécamp. Selon ce même syndicat, des « milliers de blocs opératoires » pourraient être déprogrammés – des « millions de patients » ne pouvant « plus être soignés dignement ». Il évoque « une perte de chance tout à fait réelle » et interpelle le gouvernement : « Assumerez-vous toute cette souffrance et ces décès précoces et évitables engendrés par cette loi inique ? »

Outre un appel à la grève, le SNMRH prévoit de déposer « une question prioritaire de constitutionnalité ». Une autre contestation sera déposée auprès de la cour de justice de l’Union européenne.

[Mise à jour mercredi 29 mars] « Le CHU de Rouen dément l'étude du SNMRH datée du 23 mars qui indique que les services de chirurgie ambulatoire d’ophtalmologie et de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Rouen pourraient être menacés de fermeture du fait d’un éventuel manque de médecins intérimaires. Le CHU de Rouen confirme que l’application de la loi Rist au 3 avril ne mettra aucune des activités du CHU en péril. Si une baisse du nombre d’intérimaires devait se produire, ce qui n’est pas le cas à ce jour, le CHU assure qu’il possède suffisamment de ressources médicales mobilisables en interne pour garantir le maintien des activités dans toutes les spécialités. »


Source : lequotidiendumedecin.fr