Améliorer les conditions d'études des futurs médecins

Aux Antilles et en Guyane, les internes s'unissent en association

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Publié le 14/06/2018
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interne antilles

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Crédit photo : AFP

Accès à la formation, conditions de travail, repos de sécurité, frais professionnel et de déplacement : en avril, un rapport au vitriol de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) dénonçait par le menu la situation délétère des internes de la subdivision Antilles-Guyane, jugés bien plus exposés aux risques psychosociaux que ceux formés en métropole. 

Quelques semaines plus tard, les futurs médecins des trois départements d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane et Martinique) réagissent en s'appropriant l'une des propositions du rapport, c'est-à-dire en fusionnant leurs associations en bureau des internes de la Caraïbe. Objectif : mieux défendre leurs droits et surtout, mieux s'organiser en prenant en compte les spécificités géographiques locales, qui ne manquent pas.

 

Interne en 4e semestre de médecine générale, Diana Okamba Belle, membre de l'association guadeloupéenne qui brigue la présidence ou la vice-présidence du nouveau bureau, en témoigne : « A mon arrivée, on m'a donné un livret d'accueil mais il y avait peu d'informations sur les Antilles-Guyane et les contacts n'étaient plus valables », raconte-t-elle. Résultat : elle a découvert sur place la quasi-inexistence des transports en commun. « Il faut louer une voiture parfois c'est 500 euros par mois. Il faut ajouter les frais d'inscription et l'installation », ajoute-t-elle.

La nouvelle organisation pourrait, à terme, rejoindre les rangs de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI), ce dont se réjouit le président Jean-Baptiste Bonnet : « Les Antilles-Guyane ont des problèmes et besoins spécifiques, il faut créer des liens plus forts qui n'existaient pas avant. »

Une garde tous les trois jours

Le bureau des internes de la Caraïbe aura aussi pour mission de rassurer les nouveaux arrivants, surtout après l'incendie fin 2017 ayant bousculé l'organisation et la vie du CHU de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Des internes de chirurgie ont été délocalisés dans des cliniques privées pour continuer à être formés. D'autres en gynécologie ont été amenés à travailler sur plusieurs sites éloignés les uns des autres. « Certains internes ont assuré plusieurs lignes de gardes, parfois jusqu’à une garde tous les trois jours », précise Diana Okamba Belle. 

La formation souffre également d'un manque criant de PU-PH. Surchargés, il est parfois difficile pour ceux en poste d'accompagner les jeunes. Autre problème qui en découle, les futurs médecins de spécialité médicale et chirurgicale rentrent en métropole après trois semestres pour poursuivre leur formation dans des centres de références.

Cette volatilité géographique risque d'handicaper le jeune syndicat naissant. « Les internes peuvent changer de départements tous les six mois, ce qui rend difficile le suivi des dossiers mais aussi le recrutement de volontaires », explique Diana Okamba Belle.

Solidarité

Tout n'est pas sombre pour autant. En Guadeloupe, le CHU et les médecins coordonnateurs ont donné des garanties aux jeunes. Des indemnités de transports et des hébergements ont été mis en place pour les internes travaillant sur plusieurs sites. La promesse d'un centre de simulation a aussi été scellée. La commission médicale d'établissement a même organisé une session « anti burn out » pour libérer la parole des jeunes et faire un retour de leur expérience post-incendie.

Interne en médecine physique et réadaptation (MPR) et ex-représentant des internes à la commission médicale d'établissement du CHU de Fort-de-France (CHUM) revenu en métropole cette année, Maxim Challiot évoque le souvenir d'une grande solidarité entre les personnels pour faire face aux difficultés du quotidien. « Tous les soignants sont sur un pied d'égalité. Nos propos sont écoutés par les médecins seniors, ça aide à nous rendre autonome », commente-t-il. « Ici les patients consultent tardivement et se présentent avec des situations complexes. C'est enrichissant pour l'interne », confirme le Dr José-Luis Barnay, chef de service de MPR au CHUM.

Le cadre de vie et l'environnement restent deux arguments de poids. Selon le Dr Barnay, 25 % des internes reviennent dans les îles après leurs études.« Beaucoup tombent amoureux et décident de rester ».

 

 

 

 

 

 

 

 

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin: 9673