Nomina Anatomica : latinum vincit

Publié le 01/06/2015
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Près de 2000 ans de polémiques, depuis la structure anatomique imposée au IIe siècle par Galien, révisitée par Vésale au XVIe siècle, ont finalement abouti à la victoire internationale du latin. Pionniers de la terminologie 100 % latine, dès 1895 à Bâle, les Allemands ont été rejoints par les Anglo-Saxons en 1920 à Birmingham, et en 1955, à Paris, par les Français avec l’adoption de la « Nomina anatomica », première nomenclature anatomique internationale en latin. Riche de 6 000 termes, ce lexique abolit les sources d’incompréhension et de confusion liées aux éponymes, comme les glandes de Cowperle, le canal de Sténon ou autre canal de Wharton. Désormais, chaque terme se rapporte précisément à un organe ou à un tissu, coupant court aux confusions et abus de langage.

Comme l’explique le Pr Olivier Trost (Rouen), « la désignation des structures anatomiques exige une rigueur absolue, aussi bien en pratique clinique quotidienne, qu’en recherche ou en enseignement. Le passage à la nomenclature internationale permet d’harmoniser le langage mais aussi de lever certaines inexactitudes ». C’est donc au nom de la rigueur et de l’universalité conjuguées qu’une langue dite morte a fini par s’imposer à la communauté scientifique. Une rigueur qui est d’autant plus d’actualité, souligne le Pr Trost, que « dès la session 2016, l’ECN se fera sur tablettes en utilisant un système informatisé pour lequel il convient absolument de respecter la nomenclature pour ne pas induire de confusions ou de litiges dans les réponses. »

En France, une commission de francisation a été fondée en 1971 par les anatomistes, qui a abouti à la publication en 1977 de l’Atlas d’anatomie humaine de Sobotta (éditions Maloine) et, en 2006, au dictionnaire d’anatomie du Pr Vincent Delmas (Masson éditeur). « Pour les étudiants, note ce dernier, l’assimilation de la nouvelle terminologie ne pose pas de difficulté supplémentaire. Mais l’ignorance des racines latines les prive de précieuses clés de compréhension. Aujourd’hui, le décrochage des langues mortes au collège est malheureusement consommé. C’est toute la culture générale, avec son ouverture d’esprit, qui est menacée. Dans les amphis, quand je demande qui a fait du latin et du grec, sur 300 étudiants, je ne vois se lever que quelques mains, chaque année plus clairsemées… » La victoire du latin médical se fera sans beaucoup de latinistes, à la Pyrrhus.

Ch. D.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9416