Rififi autour de la réforme du troisième cycle

Piquée au vif, la spécialité d'anesthésie-réanimation se déchire

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Publié le 30/01/2017
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anesthesistes

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

La colère monte. Reçus la semaine dernière par la direction générale de l'offre de soins (DGOS, ministère), les anesthésistes-réanimateurs (internes, syndicats, collège, conseil professionnel…) n'ont pas obtenu gain de cause. Ils craignent désormais la mort programmée de leur spécialité scindée en deux et dénoncent la « faillite de l'administration » sur la régulation des effectifs.  

De quoi s'agit-il ? À la faveur de la réforme du troisième cycle créant ce Co-DES (DESAR MIR), et avec 97 internes à former en MIR pour 2017, les composantes de l'anesthésie-réanimation, et tout d'abord les jeunes, estiment que leur exercice sera amputé à court terme, cantonné au bloc opératoire, les unités de réanimation devenant la seule propriété des médecins réanimateurs. « Or, le ministère a refusé d'abaisser le nombre de postes de la filière médecine intensive-réanimation (MIR) à former par an, souligne le Dr Franck Verdonk, président du Syndicat national des jeunes anesthésistes-réanimateurs (SNJAR). Les maquettes doivent être bouclées dans cinq semaines, le timing est serré ». Déplorant l'absence de données « chiffrées et objectives » pour justifier la ventilation des postes, les anesthésistes-réanimateurs demandent à être reçus avant le 3 février de manière conjointe par les deux ministres concernés (Santé et Enseignement supérieur). A défaut d'écoute, ils se mobiliseront.  

Quels débouchés ?

A contrario, le conseil national professionnel (CNP) de médecine intensive-réanimation (MIR) et l'ensemble des organisations de « réa » (CNER, CNU, SRLF, SNMRHP, CREUF, GFRUP et ARDSP) défendent la pertinence du nombre de postes d'internes retenu par le ministère dans cette spécialité – et en veulent même davantage !

Le CNP-MIR estime en effet que cette nouvelle filière n'affectera ni la formation des anesthésistes-réanimateurs ni la qualité des soins. « Il apparaît totalement incohérent de prétendre que la transformation d'une spécialité complémentaire en spécialité à part entière aura un impact négatif sur la formation et les débouchés professionnels des A-R avec de plus une dégradation de la qualité des soins. Le CNP-MIR est convaincu du contraire ». « Nous travaillons depuis deux ans avec nos confrères anesthésistes-réanimateurs », ajoute le Pr Christian Richard, président du Collège national des enseignants en réanimation (CNER), « troublé » par les propos de ses collègues.

Les MIR défendent leurs couleurs

Mieux, selon les estimations des réanimateurs, les 97 postes d'internes en MIR fixés en décembre seront insuffisants... Le CNP-MIR a évalué à 150 le nombre de réanimateurs à former par an dès 2017 afin de couvrir les besoins. Cette anticipation prend en compte la démographie vieillissante des médecins réanimateurs, la proportion de malades médicaux dans les structures de réanimation polyvalente (supérieur à 60 %) et surtout les recommandations réglementaires. « Il faut huit "équivalents temps plein" (ETP) pour assurer correctement le fonctionnement d'une unité de réanimation de 15/20 lits », explique le Pr Richard. Les organisations professionnelles de réanimation médicale ont, eux aussi, demandé un entretien au ministère afin d'avoir « une réflexion qualitative sur la répartition des postes DESARMIR »

Le Dr Patrick Gasser, président du l'UMESPE, la branche spécialiste de la CSMF, souhaite une remise à plat avec l'ensemble des acteurs de la spécialité. « Une réunion est prévue avec les structures de jeunes médecins pour discuter de la répartition des postes. Il y a une insatisfaction chez les anesthésistes-réanimateurs mais d'autres spécialités sont frappées ! S'il n'y a pas de concertation, la réforme du troisième cycle sera vouée à l'échec ».

 

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin: 9551