Courrier des lecteurs

Plan santé : que laisse-t-on à nos petits enfants ?

Publié le 23/10/2018

Le gouvernement vient de proposer son Plan santé… Le énième plan de santé depuis 40 ans ! Médecin généraliste récemment retraité, installé en 1981 en exercice rural, je n’ai pu que constater la dégradation progressive de notre système de santé qui était reconnu jusqu’en 1995, le meilleur du monde par l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

Déjà, dans les années 80, l’État considérait qu’il y avait trop de médecins, puisque des jeunes médecins installés en libéral avaient du mal à vivre. L’État leur proposait alors une équivalence de licence en sciences de la vie et de la terre pour rentrer dans l'enseignement secondaire.

Petit à petit, nos conditions d’exercice se sont dégradées, soignant de moins en moins aux dépens de tâches administratives faites pour le patient et la Sécu, comme les pharmaciens le faisaient déjà.

Dans les années 95, l’État pensait encore qu’il y avait trop de médecins. Il instaura le MICA (mécanisme d’incitation à la cessation d’activité). Cela consistait à mettre en pré retraite, moyennant finances attribuées, des confrères ayant l’âge de 55 ans.

Les médecins restant sur le terrain devenaient corvéables à merci, à 70 heures non-stop par semaine, sans compter les nuits et les week-ends pour les gardes.

Coup de tonnerre fin 2001 – début 2002 : révolte des médecins généralistes avec refus d’assurer la permanence de soins de nuit et le week-end. La réponse de l’État fut de nous envoyer les forces de l’ordre pour nous remettre au travail. Pour ma part, la sécu pousse le bouchon puisqu’elle me fait condamner, au bout de six mois de procédure, par le tribunal, à rembourser à celle-ci une somme que j’avais gagné « malhonnêtement », soit 19,06 € Cela ne s’invente pas !

Trop de médecins... ou pas assez ?

La politique de l’État a toujours été de programmer que moins il y aurait de soignants et prescripteurs, plus il y aurait des économies faites ! Le numerus clausus étant là, les médecins étrangers, en particulier les généralistes roumains sont venus s’installer en France car ils avaient dans leur pays des rémunérations dérisoires.

Le moteur de toute guerre c’est l’argent. Il est, depuis de nombreuses années, plus gratifiant de faire une piqûre à un chien qu’ à un être humain, de déboucher un évier qu’un trou du c. (à lavement) – remercions au passage des infirmières pour leur dévouement —, de faire une coupe de cheveux pour femmes avec bien sûr le respect que j’ai pour ces trois corps de métier.

On nous oppose souvent l’obligation faite aux enseignants d’enseigner là où il le faut et le libre choix d’installation pour le corps médical. Les jeunes confrères ne veulent plus être corvéables à merci, ils veulent être reconnus à leur juste valeur. Le « plan santé » va créer 400 places de généraliste salariés, à 5 000 € nets/mois, évidemment 40 heures par semaine, congés payés etc. ; après un bac + 10 minimum, est-ce anormal ? Je suis l’époux d’une enseignante de même âge que moi ; je vous assure qu’elle a gagné (en regardant le rapport taux horaire) sa vie mieux que moi et qu’elle a une retraite, qu’elle a touchée six ans avant moi, meilleure que la mienne…

Les piliers d’une démocratie reposent sur l’éducation et la santé. Des enseignants américains sont obligés de faire un autre métier en complément parce qu’ils ne peuvent plus payer leur mutuelle. Nous allons irrémédiablement vers une médecine à l’américaine. Notre santé dépendra de notre couverture mutualiste. Je ne suis pas inquiet pour moi, je suis vieux, j’ai vécu. Mais qu’est-ce que qu’on laisse à nos enfants et petits-enfants ?

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Dr Philippe Herbert, Médecin généraliste, Donville-les-Bains (50)

Source : Le Quotidien du médecin: 9694