Santé mentale en milieu universitaire

Un dispositif innovant en faveur des étudiants

Publié le 15/12/2011
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Par le Dr Dominique Monchablon *

L’ÉQUILIBRE psychologique des étudiants peut être temporairement fragilisé. Une vulnérabilité psychologique préexistante peut se révéler dans un contexte d’autonomisation personnelle et d’exigences académiques nouvelles malgré un effort important des universités en faveur d’un accompagnement plus personnalisé et d’une diversification des passerelles universitaires. La précarité de certains étudiants constitue un facteur de stress supplémentaire, surtout en région parisienne.

La massification de l’enseignement supérieur, la sélectivité accrue de certaines filières, l’exigence grandissante liée à la compétitivité nationale et internationale ainsi que la mobilité souhaitable des étudiants, sont des contraintes nouvelles : elles peuvent déborder les capacités adaptatives du sujet et favoriser l’émergence de troubles anxieux ou dépressifs.

La détresse psychologique peut altérer rapidement les performances cognitives et les relations sociales, facteur d’échec et de sortie du cursus. La santé globale s’en trouve affectée : troubles du sommeil et de l’alimentation, addictions éventuelles, ainsi que conduites de repli et d’isolement. Enfin, la tranche d’âge des étudiants est aussi celle où peuvent se révéler des troubles schizophréniques ou bipolaires.

Il importe donc d’être particulièrement vigilant à l’émergence de signes de souffrance psychologique dans cette population. Or les conditions de dépistage se révèlent aléatoires en médecine préventive universitaire dont le fonctionnement a été partiellement invalidé par la modification du décret (7 octobre 2008) supprimant le caractère obligatoire de la visite médicale de prévention qui s’étale, de surcroît, sur les trois premières années du cursus.

Pour un dialogue singulier.

Les messages collectifs de prévention trouvent leurs limites alors qu’un dialogue singulier avec l’étudiant pourrait être plus fécond et efficace devant l’émergence de troubles psychologiques ou leur réapparition ultérieure en raison d’un stress analogue en milieu professionnel. Il convient donc de privilégier une prévention personnalisée fondée sur l’analyse des données propres du sujet, des antécédents et du dépistage précoce de troubles éventuels avec leurs conséquences dans les sphères cognitives et affectives.

On insistera aussi sur le développement d’une prévention ciblée, en lien avec la recherche épidémiologique, pour mieux cerner les facteurs de vulnérabilité et les conditions environnementales qui risquent de majorer les difficultés personnelles (sélectivité de la filière, déracinement à Paris des étudiants des régions ou de l’étranger, conditions de vie sur le campus).

Une mutualisation des moyens.

Face à ces changements, les universités se mobilisent et mutualisent leurs moyens en santé universitaire. L’Université Paris-Descartes, sous l’impulsion de son président, le Pr Axel Kahn, a mis en place un dispositif innovant de prévention en santé mentale, au bénéfice des étudiants. Ce programme, élaboré en lien avec l’Unité INSERM U894 LP-MP, est soutenu financièrement par la Fondation Deniker dont le Pr Jean-Pierre Olié en est le président. Il s’articule dorénavant avec les missions du service interuniversitaire de médecine préventive et de promotion de la Santé de Paris pour contribuer au dépistage précoce des troubles psychologiques émergents et proposer un accompagnement personnalisé facilitant l’accès aux soins.

Ce programme s’inscrit dans le décloisonnement de la prévention et du soin, attendu par l’ARS d’Île-de-France, dans le cadre du plan Santé Jeune.

Il est soutenu par le Pôle recherche d’enseignement supérieur Sorbonne-Paris Cité qui fédère aujourd’hui la santé étudiante de six universités parisiennes et différents instituts dont Sciences-Po (soit, au total, 200 000 étudiants). La Fondation Santé des étudiants de France apportera son expertise complémentaire de prise en charge psychologique spécifique « soins-études ».

* Chef de service du Relais Étudiants Lycéens, clinique Georges-Heuyer, Paris.

1) Valérie Guagliardo, Fabien Gilbert, Frédéric Rouillon et coll. Troubles psychiatriques chez les étudiants universitaires de première année : prévalence annuelle, retentissement fonctionnel et recours aux soins en région PACA, France. BEH juillet N° 29, 7 juillet 2009 : 317-21.


Source : Bilan spécialistes