ILS NE SONT PAS nombreux. Une dizaine d’internes de médecine générale, tout au plus, demande chaque année de pouvoir accéder au diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) de gériatrie. Leur situation vient singulièrement de se compliquer ces derniers jours. Plusieurs d’entre eux viennent de se voir refuser l’inscription à ce diplôme. C’est le cas d’Alexandra Dumoussaud, en fin de 3e semestre d’internat à Bordeaux. « J’ai pris contact avec le coordonnateur du DESC de ma faculté il y a deux mois pour demander s’il m’était possible de m’inscrire à la prochaine rentrée universitaire, explique-t-elle. On m’a dit qu’il n’y avait pas de problème et en avril, quand j’ai rappelé, on m’a expliqué que ce n’était plus possible ».
Que s’est-il donc passé entre ces deux coups de fil ? Les coordinateurs des DESC ont reçu en mars des instructions très claires du ministère de l’Enseignement supérieur. « Il nous a été demandé de ne plus accepter les inscriptions des internes de médecine générale », explique le Pr Jean-Paul Emeriau, coordinateur du DESC de gériatrie à Bordeaux et responsable de la discipline à la Conférence nationale des universités (CNU). Depuis la création du DESC de gériatrie fin 2004, il existe une incompatibilité des maquettes de médecine générale et de gériatrie. La formation pratique de ce DESC est de 6 semestres : trois semestres dont deux en post-internat dans des services de gériatrie et trois semestres dans des services validant pour le DESC de gériatrie, dont un de médecine interne si possible. Plusieurs DES de médecine spécialisée permettent de postuler au DESC de gériatrie avec l’accord de l’enseignant coordinateur de ce dernier. Jusqu’à ces dernières semaines, la porte était également ouverte aux titulaires d’un DES de médecine générale. Une majorité de coordonnateurs du DESC a longtemps toléré qu’un candidat, qui n’avait pas accompli le semestre de gériatrie pendant son internat, puisse valider la totalité de ses stages pratiques en cours de post-internat. Quelques facultés l’ont en revanche toujours refusé . Le flou artistique qui encadre la réglementation de la discipline perdure depuis plusieurs années.
Il y a un peu plus d’un an, une tentative de modification de la maquette a été entamée pour permettre de rendre compatible les stages aux urgences et chez le médecin généraliste avec le DESC de gériatrie. Cette tentative a avorté. « Les internes ont eu peur que l’on dépouille la médecine générale, commente le Pr Emeriau. La conséquence est qu’aujourd’hui seuls des internes de médecine spécialisée peuvent s’inscrire au DESC de gériatrie. Or, sur la quarantaine d’inscrits actuellement au DESC, la moitié vient de médecine générale ». Les internes n’ont pas la même lecture de l’événement. « Nous estimons que donner une équivalence en gériatrie aux internes qui ont fait des stages de médecine générale est incohérent, commente Bastien Balouet, porte-parole de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG). Nous demandons depuis toujours que le DESC de gériatrie redevienne un diplôme de type 1, c’est-à-dire qu’il ne qualifie pas les médecins en gériatres avec un exercice exclusif ».
Selon plusieurs sources, une circulaire serait en préparation pour entériner l’interdiction de l’accès au DESC de gériatrie par les internes de médecine. L’ISNAR-IMG s’en est ému dans une lettre adressée aux ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur.
Vers un changement des règles du 3e cycle.
Alexandra est très déçue de la tournure des événements : « Je me suis engagée en médecine générale car je pensais ne pas me fermer de portes et là je me retrouve bloquée ». Quelle alternative s’offre à elle et aux internes de médecine générale aujourd’hui refusés dans ce DESC ? « Si je ne peux pas m’inscrire au DESC, je me tournerai vers une capacité de gériatrie », explique Alexandra. Cette péripétie se traduira par une perte de temps pour la jeune femme. « Avec un DESC, j’aurais pu trouver un poste d’assistant dans un établissement plus facilement. Là, je vais devoir finir mon internat, passer ma thèse et ensuite seulement je pourrai passer ma capacité ». D’une durée de deux ans - 200 heures d’enseignement-, la capacité de gériatrie est très prisée par les médecins. Entre 800 et 900 médecins seraient actuellement en train de la suivre dans l’Hexagone. Rien qu’à la faculté de Bordeaux, « 104 personnes sont inscrites en première et deuxième année. Près de la moitié sont âgés de 38 ans et moins », note le Pr Jean-Claude Emeriau.
Ce dossier ne laisse pas insensible le Pr Pierre-Louis Druais, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). « Il faut trouver une adaptation progressive et changer les règles de formation à l’entrée du 2e cycle et pas en cours de route, indique-t-il . Il faudra dorénavant avertir les étudiants que pour faire de la gérontologie, la médecine générale n’est pas la bonne piste ». Le Dr Xavier Deau, président de la section "formation et compétences médicales" à l’Ordre des médecins, est du même avis. « Seuls 30 % des médecins formés en médecine générale exercent finalement la médecine générale, cela mérite que les règles du jeu soient reposées, affirme le responsable ordinal . Il faut que dès le début du 2e cycle les étudiants soient informés qu’en s’engageant en médecine générale, ils exerceront la médecine générale ».
D’aucuns redoutent que la situation ne tarde à se régler (1). « Ca fait un an et demi qu’on tourne autour du pot, le temps passe et on reste avec ce problème complexe », conclut un responsable universitaire, fataliste.
(1) Le Ministère de l’Enseignement supérieur et la Conférence des doyens, contactés par le Quotidien, n’ont pas souhaité répondre.
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