Conditions de travail « déplorables » aux urgences de Bicêtre : les internes ont obtenu gain de cause

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Publié le 16/07/2021

Crédit photo : Phanie

À partir du 1er novembre, plus aucun interne ne sera accueilli en stage aux urgences adultes du CHU du Kremlin-Bicêtre (AP-HP). « Après des semaines de bras de fer avec les universités et l’AP-HP », les syndicats d’internes ont fini par obtenir le retrait d’agrément de ce terrain de stage, considéré comme dangereux.

« Une victoire pour les internes mais aussi pour les patient·es qui ont droit à une prise en charge décente ! », s’est félicité Léonard Corti, président du syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP), qui, avec le syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale (SRP-IMG), avait avisé la direction de l'hôpital et l’agence régionale de santé (ARS) de la situation.

Désorganisation et sous-effectif

Après des mois d'alertes répétées, l’état des urgences de cet hôpital était devenu « inacceptable pour les internes comme pour les patients », rappellent les deux syndicats. Organisation anarchique, sous-effectif, manque de matériel adapté… des dizaines de témoignages d’internes passés par le service, que nous avions pu consulter, faisaient état de défaillances chroniques.

En cause notamment : le manque d’encadrement des juniors. « À partir de minuit, les internes sont quasiment seuls pour assurer le circuit long, pour le reste de la nuit. Les internes deviennent chefs et les externes internes », racontait ainsi un médecin en formation. Conséquence : il n’est pas rare que les internes évaluent eux-mêmes les dossiers des externes, sans l’aval d’un senior. « Les décisions d’hospitalisation, de retour au domicile, d’imagerie, de bio, etc. sont donc laissées à des étudiants en formation », abondait le même interne.

Les étudiants faisaient également état d’une grande détresse psychologique, planant au-dessus d'eux le spectre de l’erreur médicale. « Je sors de chaque garde en me disant "une de moins sans avoir tué personne" mais en me demandant comment j'arriverai à faire la prochaine sans craquer », rapportait par exemple un autre interne.

« Une décision historique »

Ce sentiment d’insécurité avait poussé les syndicats à alerter sur la situation du service à cinq reprises, depuis mars, avec pour point d’orgue l’envoi d’un courrier à l'ARS le 2 juillet. Quelques jours plus tard, une visite d’audit a été menée dans le service francilien, aboutissant le 13 juillet au retrait d’agrément. « Une décision historique pour les internes en médecine », saluent de concert les syndicats.

Contactée début juillet par « Le Quotidien », l’AP-HP s’était dit « consciente de la complexité de la situation à laquelle font face les internes du service d’accueil des urgences de l’hôpital Bicêtre ». La direction du CHU a désormais promis aux étudiants de renforcer l’équipe médicale, avec l’embauche de praticiens – le déficit actuel étant de 6 équivalents temps plein. Le service devrait également passer rapidement de deux à trois médecins seniors entre 18 h 30 et 8 heures du matin.

« Si toutes ces mesures ne sont pas mises en place rapidement, les internes sont prêts à exercer leur droit de grève pour se protéger de gardes dangereuses », préviennent tout de même les deux syndicats de juniors.

Ils regrettent par ailleurs de ne pas avoir pu empêcher les internes, actuellement en stage au CHU du Kremlin-Bicêtre, d’être contraints de prendre des gardes aux urgences. L’agrément de stage devrait être réévalué en 2022.


Source : lequotidiendumedecin.fr