Risques psychosociaux chez les étudiants en santé

Souffrance au travail : l'arme de la formation des médecins

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Publié le 24/02/2020
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90 médecins encadrants et coordonnateurs de DES ont été formés à repérer les signes avant-coureurs de la souffrance au travail des carabins et internes en médecine, a annoncé le Dr Donata Marra, psychiatre et présidente du centre national d'appui (CNA), au congrès des internes de médecine générale (ISNAR-IMG).

Crédit photo : GARO/PHANIE

Sélection par concours, anxiété de performance, sexisme, harcèlement en stage, manque de compagnonnage… La souffrance gangrène les études de santé. Jeudi dernier à Saint-Etienne (Loire), au congrès de l'Intersyndicale nationale autonome des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), le Dr Donata Marra, psychiatre et présidente du centre national d'appui (CNA), a présenté des avancées concrètes sur la formation des professionnels au repérage des risques psychosociaux des jeunes pousses de la médecine. En place depuis six mois, le centre national d'appui est la clé de voûte du plan gouvernemental contre le mal-être des étudiants en santé, lancé par Agnès Buzyn et Frédérique Vidal en mars 2018. Deux ans plus tard, 90 médecins encadrants et coordonnateurs des diplômes d'études spécialisées (DES) ont été formés à reconnaître les signes et gérer des situations de souffrance, dans le cadre de trois sessions ouvertes depuis juillet 2019 par le CNA.

Blagues sexuelles

La lutte contre la souffrance au travail des carabins et internes, protéiforme, n'est pas une vaine bataille. « Il n'y a pas une seule cause de risques psychosociaux, les origines sont systémiques, des facteurs personnels aux facteurs liés à l'institution [...] ou aux enseignants », explique le Dr Marra. 

Plusieurs enquêtes ordinales et syndicales ont montré que les étudiants en médecins sont une population plus à risque que le reste des Français : deux jeunes sur trois seraient anxieux contre 26 % dans la population générale. 28 % ont une symptomatologie dépressive contre 10 % du reste des Français. « 40 % des externes considèrent avoir subi des blagues dérangeantes sur le sexe. Cela fait partie des manifestations du harcèlement au travail », insiste Myriam Dergham, en 5e année de médecine et auteure d'une thèse de sciences sociales sur le sujet. 

Pour prévenir, il faut donc prendre le problème à la racine. « Nous avons commencé par former des médecins coordonnateurs, détaille le Dr Marra aux jeunes pousses de la médecine. Nous fonctionnons par groupe transdisciplinaire de 30 personnes, où l'on retrouve aussi bien des chirurgiens que des médecins généralistesNous reprenons point par point l'ensemble des difficultés que peuvent vivre les internes. » Ces situations abordent des mauvaises expériences et des cas graves de souffrance remontés par les syndicats d'internes locaux qui ont mis en place des cellules de soutien.

La psychiatre évoque le cas d'un interne qui, bien qu'ayant confié le sentiment d'être totalement livré à lui-même, refusait de demander de l'aide à son coordonnateur « de peur de le déranger » dans ses journées chargées. « Ce n'est pas facile pour un étudiant d'aller voir son encadrant et de lui dire : " ça ne se passe pas bien". Les jeunes souhaitent que ces derniers soient proactifs », ajoute le Dr Marra. C'est ce que le CNA s'emploie à faire, en abordant également dans ces séances de formation les dernières enquêtes sur la santé mentale pour sensibiliser les professionnels, médecins mais également infirmiers. Des sessions intégrant les directions d'instituts de formations en soins infirmiers (IFSI) ont déjà commencé.

 

 

 

 

 

S.M.

Source : Le Quotidien du médecin