« Je n'ai jamais autant regretté de ne pas avoir pris dentaire que cette année », écrit un externe de la faculté de Lille, dans une enquête réalisée par les représentants des étudiants. Un témoignage parmi des centaines, récoltés au travers d'un sondage mené auprès de 820 externes lillois, pour alerter sur la situation affolante des étudiants de deuxième cycle. La publication de cette étude, réalisée en ligne entre décembre et janvier sur les étudiants en 4e, 5e et 6e année de médecine à Lille, fait suite à une inquiétude croissante depuis la fin d'année. « C’est un appel au secours des étudiants en détresse qui n’arrivent pas à être entendus et compris », résume au « Quotidien », un élu lillois, étudiant en 4e année de médecine.
Alors que les externes essuient les plâtres de la mise en place de la réforme du deuxième cycle, entamée dès la rentrée, 75 % des carabins lillois disent avoir déjà regretté - au moins une fois - d’avoir choisi les études de médecine. 7 % affirment même regretter ce choix tous les jours... « Oui je regrette, je savais que je m’engageais dans des études difficiles et déjà avant la réforme j’aurais sûrement eu du mal, mais maintenant c’est pire, témoigne anonymement un étudiant. J’aimerais pouvoir revenir en arrière, quel gâchis ! ». À Lille, 3 % des externes ont carrément abandonné leurs études et 5 % envisageraient chaque jour de le faire.
Surcharge de travail
Programme totalement refondu, épreuves avancées d’un an… Si la réforme du deuxième cycle s’annonce comme un profond bouleversement, les carabins lillois ne sentent pas du tout épaulés. 65 % ne s'estiment pas correctement préparés aux Examens classant nationaux (ECN) et 69 % trouvent que la faculté a un impact négatif sur leur qualité de vie. Quant à la compréhension des attentes et des préoccupations des étudiants par l'université, la sentence est sans appel : 93 % des externes ne se considèrent pas bien écoutés.
« On manque de temps, nous sommes obligés, compte tenu de la charge de travail, de travailler en rentrant de stage et cela est très compliqué après parfois de longues journées, raconte une externe. Il n’y a pas un jour où je ne pense pas à arrêter, alors qu’à l’hôpital je me sens à ma place ».
Des programmes caducs
Tous pointent le manque de préparation et d’anticipation de la réformée, votée il y a trois ans. Moins de bachotages, meilleure prise en compte du parcours de l’étudiant, fin du classement unique pour accéder à l’internat… : la nouvelle mouture de l'externat promettait pourtant de réduire d’un tiers la somme de connaissances à acquérir pour devenir interne.
Sauf que six mois après la rentrée, des éléments du programme manquent encore à l’appel, les étudiants sont forcés de réviser sur des ouvrages caducs. Une perte de temps. « C'est sûr qu'avec 8 collèges de spécialités non réactualisés et un stage de 50 à 70 heures semaine, on a le temps de prendre une semaine de vacances à Noël… », ironise un carabin. Les ouvrages de cardiologie ou d'orthopédie n'ont, par exemple, toujours pas été mis à jour, malgré les promesses des collèges. « Et nous avons eu l’impression que l’angoisse engendrée par la réforme n’était pas forcément entendue au niveau de la faculté, ou en tout cas banalisée », constate l'élu étudiant.
Un an de moins
La pression est d’autant plus grande que les Épreuves nationales dématérialisées (EDN) – nouvelle mouture des ECN – ne sont plus prévues en fin de 6e année, mais dès le mois octobre. Nous « avons deux ans pour se préparer aux EDN au lieu de trois », résume un étudiant lillois.
Cerise sur le gâteau : 10 % de la note finale qui fixera le choix de spécialité pour le futur interne sera consacrée à une appréciation du parcours extrascolaire, couronnant un engagement associatif ou le suivi d’un double master. « La grille est censée favoriser les personnes qui travaillent à côté de la faculté et va pousser tous les étudiants à plus travailler encore qu'ils ne le font déjà, à faire un master en plus des études de médecine… », regrette amèrement un carabin.
« Aidez-nous »
« Je me sens floué par cette réforme, l'impression d'être un cobaye vivant », témoigne un externe lillois. Beaucoup font remonter aux élus cette « sensation d’être la promo sacrifiée » et craignent pour leur santé mentale. « Je suis sous antidépresseurs et anxiolytiques et pourtant je ne dors plus et je suis tout le temps stressée », raconte une étudiante. « Je me demande sans arrêt si je serais un bon médecin car je bâcle tous mes cours. Je veux être pédiatre du plus profond de mon cœur mais comment y arriver ? », se désole-t-elle. « Aidez-nous s’il vous plaît, ne nous laissez pas abandonner, ne nous laissez pas mourir », implore encore une étudiante.
Suite à la diffusion du sondage, une communication de l'université à destination des externes serait dans les tuyaux et attendue dans les jours qui viennent.
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