Fatigue chronique, stress post-traumatique et (parfois) colère après les difficultés de rémunération pendant la première vague… Auditionnés par la commission d’enquête du Sénat sur la gestion de l'épidémie, Justin Breysse, président de l’Intersyndicale nationale des Internes (ISNI), et Julien Flouriot, président du Syndicat des Internes des Hôpitaux de Paris (SIHP) ont alerté sur la situation très difficile des jeunes médecins sur le front depuis mars. Ils craignent que la seconde vague soit particulièrement éprouvante pour leurs pairs.
Côté médical, les leaders jeunes pointent du doigt des services déjà bien remplis en réanimation mais aussi en médecine ou en psychiatrie. « Il faut bien comprendre que les patients Covid sont aujourd'hui des patients en plus des autres dans des services de réanimation déjà saturés et en manque de moyens, souligne Justin Breysse. Les capacités sont déjà tendues et la grippe saisonnière arrive, la fatigue du personnel aussi. »
Organiser ses propres cellules de crise
Très mobilisés lors de la première vague, les internes de médecine s'étaient organisés eux-mêmes pour réaffecter leurs forces vives dans les services et les établissements dans le besoin grâce à des cellules de crise* opérées par leurs propres soins. Une prouesse qui sera impossible à rééditer.
De fait, la première vague a laissé des traces, notamment sur le plan de la santé mentale. À Paris, la cellule de soutien psychique et moral a dû tripler ses effectifs pour répondre à la demande des jeunes. « Il y a eu une aggravation de l'ensemble des symptômes d'anxiété et de dépression accompagnés de symptomatologie traumatique, précise Julien Flouriot. Les appels pour un soutien psychique ont explosé. »
Nombre de jeunes ont été marqués par l'idée « d'être dans un service sans matériel et de contaminer les autres, cela crée un stress post-traumatique », poursuit Justin Breysse. Qui cite une statistique sidérante : un interne sur deux testé positif à quand même été obligé de travailler par manque de personnel !
Selon plusieurs enquêtes auprès des internes, les deux tiers d’entre eux disent n’avoir pas eu accès à du matériel de protection en quantité suffisante, masques et surblouses. La moitié des internes seulement qui présentaient des symptômes du Covid au début de l’épidémie ont pu accéder à des tests de dépistage.
« Je ne viendrai plus aider »
Le système de réaffectation entre hôpitaux a causé de vrais soucis de rémunération des jeunes. « Jusqu’au mois d’août, j’ai géré, avec la direction des affaires médicales de tous les hôpitaux d’Ile-de-France, des internes qui n’ont pas été payés pendant deux mois », explique Julien Flouriot, soulignant que le circuit de financement était trop complexe, chacun se renvoyant la balle. Et d'alerter sur une forme de ressentiment : « Ces internes me l’ont déjà dit, s’il y a une deuxième vague, je ne viendrai pas aider parce que je n’ai pas été payé. »
Autre crainte : début novembre, quelque 8 000 nouveaux internes vont prendre leurs fonctions en pleine seconde vague. Une période charnière qui nécessite un accompagnement. « Ils n’ont jamais eu de fonction de prescripteurs et ils vont se retrouver quasiment seuls dans les services. Avec la période Covid, ça ne va pas être le moment de se faire hospitaliser », prévient le chef de file des internes. Pas de quoi rassurer les parlementaires.
*La cellule de crise avait permis le transfert de 600 internes en Ile-de-France entre mars et avril. 1 900 jeunes s'étaient portés volontaires.
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