Réforme de la Paces : parents et étudiants redoutent une première promotion sacrifiée

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Publié le 09/03/2021

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Trop opaque, véritable usine à gaz, mise en place à marche forcée, la réforme du premier cycle des études médicales (R1C) était déjà largement décriée avant sa mise en œuvre à la rentrée 2020. Pourtant elle suscitait bien des espoirs, l’ancienne formule de la PACES et du numerus clausus étant loin de faire l’unanimité. Déjà en novembre dernier, les associations étudiantes en santé lançaient une campagne #pronosticmentalengagé pour dénoncer une réforme menée sans moyens, qui risquait d’aggraver la détresse psychologique des futurs professionnels.

Aujourd’hui, alors que les étudiants sont dans leur deuxième semestre, les inquiétudes et les flous demeurent. Le collectif national PASS LAS, composé de parents et d’étudiants s’inquiète de chances réduites pour la première promotion de cette nouvelle formule. En effet, cette année cohabitent encore en première année de médecine, les étudiants ayant redoublé l'an dernier leur première année et qui passeront un concours avec un nombre de places défini par un numerus claususet ceux de la nouvelle formule, inscrits en Pass (parcours d’accès spécifique santé) ou en Las (licence classique avec une option accès santé). Pour ces derniers, le nombre de places disponibles en deuxième année est déterminé par un numerus apertus, fixé par chaque université en concertation avec les ARS.

Une hausse d'effectif insuffisante ?

La réforme prévoyait que davantage d’étudiants en médecine soit formé, et globalement, en réunissant numerus clausus et numerus apertus, cela devrait être le cas. Même si on attend encore la publication du numerus apertus pour la plupart des universités, d’après l’AEF, à ce stade les capacités d’accueil seraient en hausse de 8 à 9 % par rapport à 2020, soit environ 1 400 à 1 600 étudiants supplémentaires. Mais pour le collectif national Pass Las, ce n’est pas suffisant. Dans une pétition, il s’inquiète « qu’aucune augmentation significative du nombre d’étudiants admis en 2e année de premier cycle » ne soit appliquée dans la très grande majorité des universités et demande « une augmentation exceptionnelle de la capacité d’accueil d’a minima 33 % pour cette année de transition ». « Les étudiants PASS/LAS 2020-2021 ne peuvent pas être victimes à la fois des désavantages de l'ancien système (taux de réussite faible voire très faible des primants) et des désavantages de la réforme (interdiction d'un véritable redoublement, sortie du système de tous les étudiants qui ne seront pas parvenus à valider leur double cursus (…) », ajoute-t-il.

Une place à l'université garantie pour tous

Au-delà du nombre d’étudiants à former en deuxième année, ce sont les moyens financiers alloués pour absorber cette augmentation des effectifs qui inquiètent tout le monde depuis le début. Les filières en santé sont déjà en tension, une augmentation, même de 1 500 étudiants au niveau national, n’est donc pas anodine. « Il faut que des moyens sur les capacités d’accueil soient garantis. Il va y avoir une augmentation du nombre d’admis, mais malheureusement si le nombre de professeurs ou de personnels administratifs ne suit pas, cela risque d’être compliqué pour nos filières », explique Morgane Gode-Henric, présidente de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Et sur ce point, les représentants des étudiants, reçus la semaine dernière aux côtés du collectif national Pass Las et des doyens par la ministre Frédérique Vidal, n’arrivent toujours pas à obtenir d’engagement. « On ne devrait pas compter quand on parle de formation des futurs professionnels de santé », estime Morgane Gode-Henric.

La réunion a également été l’occasion pour les étudiants de demander au ministère des assurances sur le devenir des étudiants qui ne seront pas reçus en deuxième année. Avec la nouvelle formule, il n'y a en effet plus de redoublement possible. L’objectif est donc d’être sûr que personne ne se retrouve sur le carreau l’année prochaine et de garantir à tous les étudiants en Pass et en Las une place dans les universités. « Si c’est un étudiant en Pass et qu’il a validé une mineure qu’il puisse trouver une place dans cette mineure en L2. Pour un étudiant en Las, qu’il puisse continuer en Las ». Frédérique Vidal a promis que ce serait bien le cas. « Une des forces de la réforme était d’éviter de perdre un an, il serait donc absurde de ne pas pouvoir le garantir », souligne Morgane Gode-Henric.

Copié-collé des anciens programmes

Un autre « atout » de la réforme qui semble avoir manqué sa cible pour le moment concerne la diversification des programmes. Tout l’accent avait été mis sur l’idée de sortir du bachotage pur et méchant et de permettre aux étudiants en médecine de découvrir d’autres disciplines, d’où la mineure dans un autre domaine pour les étudiants en Pass et la formule Las avec une licence dans une discipline différente, assortie d’une mineure santé. Mais force est de constater que dans beaucoup d’universités, les programmes n’ont pas été retravaillés mais ont simplement fait l’objet d’ajouts. « Souvent, c’est le même programme qu’en Paces auquel on a ajouté une mineure, c’est inadmissible », fustige Morgane Gode-Henric. Pas d’allègement des programmes pour les étudiants donc, bien au contraire, et pas non plus de changement profond de philosophie dans l’apprentissage et le menu de la première année de médecine. Les étudiants souhaiteraient donc que ce travail de fond sur les programmes soit fait dans les universités où cela n’a pas été le cas pour la rentrée 2021.

Frédérique Vidal a mandaté l’inspection générale pour dresser un état de lieux de la mise en place de la réforme notamment les capacités d’accueil et le contenu des mineures. De son côté, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a lancé début février une « mission d’information flash » sur le sujet.


Source : lequotidiendumedecin.fr