Démographie médicale déclinante, demande de soins croissante : a priori, la faillite ne menace pas de très près le généraliste qui s’installe. À moins d’être implanté à des dizaines de kilomètres de tout village digne de ce nom (ce qui peut arriver), un cabinet est en effet à peu près assuré de bénéficier d’un flux d’activité lui permettant de couvrir ses charges et de nourrir son titulaire. Ce qui ne veut pas dire que ce dernier ne doit pas surveiller son compte de résultat.
La bonne de nouvelle, c’est qu’il n’est pas besoin de sortir d’une grande école de commerce pour être en mesure de comprendre les signes annonciateurs de potentielles difficultés économiques à venir. « Il est très rare, dans les activités médicales, d’avoir des activités déficitaires », constate en effet Béchir Chebbah, expert-comptable et président de l’Union nationale des associations agréées (Unasa). Traduction : si les charges sont supérieures aux recettes, c’est qu’il faut sérieusement s’inquiéter.
Deux années particulières
Comme toutes les règles simples, celle-ci souffre d'exceptions, notamment lorsqu’il s’agit du début d'activité. Les deux premières années d’exercice sont en effet celles où la majorité des problèmes d’endettement ou de déficit peuvent survenir. La première, parce qu’elle peut donner lieu à des charges exceptionnelles (acquisition du matériel pour le cabinet, achat de véhicule, etc.). Et la seconde parce qu’une fois qu’un cabinet a soufflé sa première bougie, les Urssaf ont une fâcheuse tendance à se rappeler à lui.
« Il faut se rappeler que la première année, soit les cotisations sont réduites, soit elles sont exonérées », prévient Béchir Chebbah. « Lors de l’année 2 en revanche, elles sont calculées sur les bénéfices de l’année 1, et on doit souvent en plus payer une régularisation. » Certains généralistes peuvent donc se trouver à payer deux années de cotisations en même temps, ce qui nécessite un peu d’anticipation.
Au syndicat de jeunes généralistes Reagjir, on confirme que les appels de cotisation différés sont à l’origine de la majorité des problèmes d’endettement ou de déficit que peuvent connaître les nouveaux installés. « Nous avons des confrères qui ont dû souscrire un crédit pour y faire face », glisse le Dr Yannick Schmitt, son président. Un emprunt qu’il est généralement assez aisé de rembourser, l’activité aidant, ajoute-t-il aussitôt.
Éloge de la fourmi
Pour éviter ce petit détour par la case « banquier », Béchir Chebbah suggère de jouer à la fourmi plutôt qu’à la cigale durant la première année. « Si avant l’installation, on avait calculé en fonction du niveau d’activité prévisionnel que les cotisations allaient être de l’ordre de 15 %, il faut mettre ces 15 % de côté dès l’année 1, même si on sait qu’elles ne seront appelées qu’à l’année 2. »
Voilà qui attire l’attention sur l’importance d’avoir prévu son niveau d’activité avant même de s’installer. Cela peut paraître difficile, car l’installation s’apparente à bien des égards à un saut dans l’inconnu. Mais certains organismes publient chaque année des statistiques qui peuvent aider le futur généraliste à se faire une idée.
Le site de l’Unasa propose par exemple de consulter, année par année, la structure moyenne du compte de résultat de ses membres. Des données qui portaient en 2017 sur plus de 18 000 généralistes, et que l’on peut obtenir au niveau national, régional ou départemental, avec une répartition par quartile pour tenir compte de la taille des cabinets. Une analyse de ces données peut donc donner une idée de la sauce à laquelle on risque d’être mangé.
Plus on est de fous... plus on paie
De son côté, Yannick Schmitt insiste sur un autre aspect, lié aux installations en cabinet de groupe : il conseille dans ce cas de bien étudier les comptes de résultats avant de s’installer afin de vérifier que la structure des charges correspond à ce que l’on est disposé à payer. Les charges dont chaque praticien doit s’acquitter peuvent en effet d’après lui être significativement plus importantes dans une grande structure que dans un cabinet individuel sans secrétariat. Des montants qui sont encore plus élevés s’il s’agit d’une maison pluriprofessionnelle de santé (MSP).
Reste une règle d’or, que tout jeune installé doit d’après Béchir Chebbah s’employer à respecter : « ne pas confondre recettes et bénéfice. » Trop de jeunes médecins, habitués lors de leurs remplacements à n’avoir que des recettes et quasiment aucune dépense, ont selon lui tendance à considérer qu’ils peuvent jouir de tout l’argent qui arrive sur le compte de leur cabinet. « Nous répétons toujours aux généralistes que s’ils encaissent 100, il n’y en a que 50 pour eux », explique l’expert-comptable. Un chiffre que l’on peut naturellement réévaluer périodiquement, la pratique aidant.
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