Être médecin traitant, cela oblige à quoi ?

Publié le 20/03/2020

Le statut de médecin traitant engage le jeune médecin dès le début de son exercice. Il incombe au médecin traitant — plus de neuf fois sur dix, un généraliste — de tenir à jour le dossier médical du patient, d'assurer son orientation dans le parcours de soins mais aussi de tenir un rôle actif dans la prévention et l'éducation thérapeutique. La fonction a également une incidence financière non négligeable puisque le passage par le médecin traitant conditionne un meilleur remboursement des soins à l'assuré par l’assurance maladie.

Formulaire MT

Formulaire MT
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

« Je suis le médecin traitant de 650 patients, sachant que je ne travaille au cabinet que 3 jours et demi par semaine », explique le Dr Elise Fraith installée il y a deux ans à Dachstein (67). « Pour moi ce sont 680 patients en un an qui m’ont demandé d’être leur médecin traitant », rapporte le Dr Agathe Le Chevalier, responsable REAGJIR Régions Sud. Si la fonction de médecin traitant n'est conditionnée à aucun seuil minimal de nombre de patients, le nombre médian de patients par médecin traitant est d'environ 850, laissant une marge de progression aux jeunes installées.

Un réel investissement

Depuis 2004, le statut de traitant a remplacé celui de médecin référent et les médecins libéraux, plus particulièrement les généralistes, prennent à cœur l'investissement dans cette fonction.

Face à l’évolution de la médecine, à sa technicité administrative et technologique, aux attentes médicosociales de certains patients, le statut est devenu « incontournable, ajoute Agathe Le Chevalier. Notre rôle est fondamental et favorise cette centralisation santé/social ». Selon la jeune généraliste, être médecin traitant constitue un « engagement moral mais aussi humain, sur la durée, soulignant le lien de confiance réciproque médecin/patient ». « Enfin en toute connaissance de cause, l’engagement est financier puisqu’il permet au patient un remboursement maximal par l'Assurance maladie », poursuit le Dr Chevalier. Le patient est remboursé 16,50 euros sur une consultation de 25 euros chez son médecin traitant (70 %, moins un euro de franchise) contre 6,50 euros (30 %, moins l'euro de franchise), s'il est hors parcours de soins.

En contrepartie de cet engagement, le médecin traitant bénéficie d'une part de rémunération forfaitaire, en touchant notamment un forfait patientèle médecin traitant (« FPMT »), calculé annuellement (pour chaque année) sur la base de leur patientèle « médecin traitant » observée au 31 décembre de l’année précédente. Le praticien perçoit un forfait de 6 euros pour les enfants de moins de 6 ans, de 5 euros pour un patient de 7 à 79 ans, de 42 euros pour les patients de moins de 80 ans en ALD ou ceux de plus de 80 ans et de 70 euros pour les patients de plus de 80 ans en ALD.

Une fonction peu abordée pendant la formation

Les missions et responsabilités du médecin traitant sont très précisément encadrées par le code de santé publique (Article L162-5-3). Il est tenu d'assurer la coordination et de tenir le dossier médical personnel du patient. Des tâches auxquelles les jeunes praticiens sont préparés : « Durant les stages en autonomie, on touche du doigt ce caractère important de notre métier. On peut aussi puiser dans des modèles de médecins seniors qui nous apprennent les champs de l’engagement et complètent nos apprentissages », explique Elise Fraith.

La tâche n'est pourtant pas toujours simple à assumer, lorsque l'on est tout juste diplômé de médecine. « Peut-être la formation manque-t-elle un peu de contenus, c’est du côté des outils de gestion de l’administratif médico-social, poursuit le Dr Fraith. Je n’avais pas imaginé par exemple la difficulté d’accompagner des patients âgés au sortir de l’hôpital ou des patients après une hospitalisation en psychiatrie : ce sont des dossiers complexes, chronophages, passionnants pour ceux que ça intéresse mais difficiles à monter. L’engagement prend toute sa forme de coordination, de travail en réseau et de montage de dossier. »

Un défi permanent

Ainsi, le statut de médecin traitant demande « qu’on mouille sa chemise, » ajoute la jeune praticienne de l’Est de la France : parfois il s’agit de s’acquitter d’une charge lourde et multiple, de se préoccuper (plus que s’occuper) du malade et toujours en tant que médecin traitant de le garder au cœur du parcours de soin. Chacun a ainsi l’exemple d’une personne âgée ou d’une malade multi-pathologique, obèse, insuffisante cardiaque, rénale, en danger et avec qui soudain on s’engage plus à fond, on passe une heure à redonner des explications, à contacter pendant la consultation le néphrologue, à faire de la prévention afin de lui permettre si ce n’est de guérir, au moins d’aller mieux, et d’être stabilisée.

Un engagement à ne pas prendre à la légère

Le contrat de médecin traitant n'est pas soumis à une condition de durée, sachant que tout médecin traitant peut se désengager de cette responsabilité quand il veut et pour les raisons qu’il veut au même titre que son patient peut changer de médecin traitant !

Le médecin a aussi le droit de refuser de suivre un patient en tant que médecin traitant et donc de choisir les personnes qu’il suit en expliquant un désaccord ou un manque de confiance.

Toutefois, ces droits de refus doivent reposer sur une justification motivée. Le refus de suivi ne peut en aucun cas être lié à des motifs discriminatoires ou des considérations étrangères à la mission du médecin traitant. Dans la grande majorité des cas, le refus de suivi est lié au manque de temps des médecins. Comme l’explique encore le Dr Fraith dans le cadre du dispositif du médecin traitant, « l’engagement est réciproque » : « Pour ma part, je ne m’engage pas à la légère et sachant mes contraintes horaires, mes disponibilités sur 3 jours, j’encourage le patient à réfléchir avant de me choisir. J’explique mon fonctionnement et mes capacités ; ainsi l’engagement réciproque se fait en toute connaissance de cause ».

A. C.


Source : lequotidiendumedecin.fr