Comptabilité, fiscalité, paie, achats, ressources humaines, contrôle qualité. Autant de thématiques qui font le quotidien de bien des généralistes, mais qui ne sont qu'effleurées lors de leur formation. Le praticien qui ouvre son cabinet doit donc, du jour au lendemain et presque sans préparation, sauter dans le grand bain de ce monde qui fait si peur : celui de l'entreprise.
Premier constat, assez triste : pour tenter de surnager, l'apprenti entrepreneur médical ne pourra pas puiser dans les connaissances qu'il a acquises à la fac. Le Dr Yves-Marie Vincent, chef de clinique en médecine générale récemment installé en région bordelaise, en sait quelque chose. « Pour l'instant dans ma fac à Bordeaux, il n'y a qu'une journée facultative de formation à l'installation, témoigne celui qui fut il y a quelques années président de l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG). Mais il constate que l'implication des universités est très hétérogène. Et si la sienne n'insiste pas sur le sujet, « d'autres, notamment en région parisienne, donnent des cours plus poussés. »
Un pétale de marguerite un peu fané
C'est pourquoi le jeune généraliste a voulu mettre en place un module dédié la gestion. Ce thème, souligne-t-il, constitue l'un des pétales de la fameuse marguerite des compétences du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). Élaboré dans le cadre d'un DU de pédagogie, son projet s’étale sur quatre demi-journées d'enseignement. Malheureusement, il n'a pas encore vu le jour. « Mon idée a été retoquée, mais je ne perds pas espoir, déclare Yves-Marie Vincent. Cela correspond à un vrai besoin : il n'y a qu'à voir le succès des soirées "fiscalité" organisées par les syndicats de jeunes généralistes, ce sont celles où l'on est assuré de faire le plein. »
Alors, puisque le jeune généraliste-entrepreneur ne peut pas (encore) compter sur la formation initiale, pourra-t-il au moins se tourner vers la formation continue ? Rien n'est moins sûr, du moins si l'on en croit le Dr Jean-Marie Goehrs. Celui-ci avait en 2013 tenté de monter un campus où les médecins auraient pu venir se former, se reformer et se rencontrer autour des aspects de gestion tout au long de leur carrière. Le projet a avorté, et le diagnostic de Jean-Marie Goehrs est sans appel : « Il n'y a à l’heure actuelle pas de formation adaptée aux médecins. » Il cite bien quelques journées organisées par des écoles de commerce, mais elles sont d'après lui largement insuffisantes.
Système D
Dans ces conditions, la seule solution qui reste est d'aller chercher l'information soi-même, peut-être en commençant par le sujet sur lesquels les connaissances des jeunes généralistes sont souvent les plus lacunaires : la fiscalité. « À chaque fois qu'il faut expliquer à des internes des notions assez simples comme les micro-BNC, ils sont un peu perdus, témoigne Yves-Marie Vincent. Alors quand on va vers des notions plus complexes, ils sont vraiment en stress ! » Autre compétence qu'il faudra développer : la gestion d'équipe. « C'est le quotidien de beaucoup de médecins, et ce le sera de plus en plus, surtout s'ils se mettent en MSP [maison pluriprofessionnelle de santé, ndlr], prédit Jean-Marie Goehrs. Avec une structure de 25 à 30 professionnels de santé, il faut bien que quelqu'un définisse l'activité, la quantifie, évalue la productivité, la qualité, etc. ».
Mais pour Yves-Marie Vincent, les sujets qu’il s’agit de maîtriser sont tellement étrangers à ce qu'ont vécu les médecins avant de s'installer que l'auto-formation ne peut être qu'une solution de repli. L'idéal serait de « développer les initiatives dans les facs », indique-t-il en assumant ce plaidoyer pro domo. Jean-Marie Goehrs ne dit pas autre chose : « Dans un an, si les jeunes médecins l'exigent, une formation adéquate peut être sur pieds », insiste-t-il. Mais en attendant, la solution risque bien de se trouver du côté du réseau que chacun a à sa disposition : amis, collègues, syndicats peuvent mettre le pied à l'étrier au généraliste-entrepreneur. Bref, le bon vieux compagnonnage a de beaux jours devant lui.
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