Le SASPAS, sésame pour remplacer ? Les syndicats d'internes divisés sur les nouvelles règles

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Publié le 10/12/2019
Remplacement

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Crédit photo : GARO/PHANIE

Changera, changera pas ? La modification des règles en vigueur pour l’obtention de la licence de remplacement pour les internes de médecine générale (IMG) fait toujours débat. Depuis plusieurs mois, sous la houlette de l’Ordre des médecins, syndicats des internes, remplaçants, jeunes médecins et enseignants discutent d'un durcissement des critères permettant aux étudiants en troisième cycle d'effectuer des remplacements. Cette modification concernerait toutes les spécialités.

Aujourd’hui, les internes de médecine générale sont autorisés à remplacer pendant leur cursus s'ils ont validé trois semestres et réalisé le stage chez le praticien de niveau 1, passage obligatoire pour obtenir la licence. Théoriquement, les IMG peuvent donc commencer à remplacer dès leur deuxième année d'internat. L'Ordre propose de modifier ces critères et de ne délivrer la licence qu’après la réalisation du stage en autonomie supervisée (Saspas) rendu obligatoire par la réforme du 3e cycle, et effectué à partir du 5e semestre.

Protéger des velléités de coercition

Cette modification est soutenue et même réclamée par les enseignants de médecine générale. Le syndicat des remplaçants et jeunes généralistes ReAGJIR soutient aussi la réforme. Un consensus semble donc se dégager puisque l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) n’est plus opposée à l’idée.

Le syndicat a en effet changé de position, il y a quelques semaines, lors de l’examen de la loi Santé. Un amendement transpartisan déposé et voté par les sénateurs en juin dernier prévoyait d’envoyer un an les internes en autonomie dans les déserts. Finalement modifié en commission mixte paritaire, le dispositif est devenu : six mois en autonomie supervisée en priorité dans les déserts. Le couperet n’est pas passé loin pour les internes de médecine générale, ce qui a entraîné l’Isnar-IMG à reconsidérer sa position. « Nous avons vraiment à cœur que notre formation soit professionnalisante et sécurisante », explique Marianne Cinot, présidente de l’Isnar-IMG. « Nous ne voulons pas que notre formation soit bradée pour des questions d’accès aux soins, et que des élus s’engouffrent dans ces questions de remplacement pour justifier de tels dispositifs ». C’est pourquoi le syndicat a décidé de « ne pas s'opposer à » cette réforme.

Les enseignants de médecine générale se satisfont de ce consensus qui semble se dessiner. « L’enjeu est, contrairement à ce que les syndicats non représentatifs des IMG laissent penser, de protéger les internes et leur formation, de les garder d’une inclination des législateurs à vouloir faire en sorte qu’ils exercent le plus tôt possible, explique le Dr Anas Taha, président du Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg). Les IMG ne peuvent pas refuser d’aller sur les territoires en autonomie et à la fois vouloir remplacer le plus tôt possible. »

Consensus... ou presque

L’Intersyndicale nationale des internes (Isni) ne partage absolument pas l'avis selon lequel « tout le monde serait d’accord ». Pierre Colaux, vice-président de la structure et interne en médecine générale à Nice en 5e semestre considère que cet argument de lutte contre la coercition est une fausse excuse. « Ce sont deux sujets complètement différents. Nous n’avons pas à négocier nos licences de remplacement contre la coercition », estime-t-il. De manière générale, l’Isni s’oppose à cette modification pour plusieurs raisons. « Dans un contexte où un médecin généraliste sur deux n’accepte plus de nouveaux patients, et de précarisation des internes avec des salaires qui n’augmentent pas, est-il bien pertinent de ne plus donner de licence de remplacement ? », souligne-t-il. Pour l’IMG niçois, qui lui-même remplace, « c’est un début d’autonomisation » qui n’est en rien incompatible avec le Saspas. De plus, la licence n’étant pas automatique, « c’est à chaque interne de médecine générale d’estimer s’il se sent prêt ou pas », ajoute-t-il.

Même si des réunions sont encore prévues à l’Ordre, notamment pour régler la question des autres spécialités, pas sûr que la voix discordante de l’Isni suffise à bloquer cette réforme qui semble en bonne voie. Mais selon Pierre Colaux, elle est en tout cas une des motivations à participer à la grève illimitée des internes prévue à partir de ce 10 décembre. « À Nice, les internes sont outrés. On leur demande d’aller aux urgences, de prendre en charge seuls les patients, idem pendant les gardes. Ils trouvent ça insupportable qu’on puisse décider à leur place », explique-t-il.


Source : lequotidiendumedecin.fr