Pourquoi la France est en retard dans la formation interprofessionnelle des généralistes ?

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Publié le 04/05/2019
Réunion

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Crédit photo : BURGER/PHANIE

La France est-elle bonne élève en matière de formation interprofessionnelle ? Le généraliste de Malakoff (92) Pierre de Bremond d'Ars a interrogé les 35 départements de médecine générale (DMG) de l'hexagone et rédigé sa thèse sur ce sujet. Nombre d'enseignants insuffisant, terrains de stages inadaptés, manque de moyens… Comparée aux pays anglo-saxons comme le Canada, les États-Unis ou encore l'Australie, la France est en retard, malgré une volonté affirmée des DMG à développer cet aspect de la formation.

Et pour cause, les mutations du système de santé tendent à l'exercice regroupé — le gouvernement actuel souhaite qu'il devienne la norme d'ici la fin du quinquennat — et les contours des professions médicales évoluent : « réforme du DES de médecine générale, rôle d’éducation thérapeutique des pharmaciens, réflexions sur les infirmiers de pratique avancée, extension des compétences des sages-femmes, volonté de la filière de masso-kinésithérapie de se doter d’un master en sont des exemples », décrit le généraliste. 

Aller plus loin

Au sein des DMG, l'enseignement pluripro n'est pas pour autant inexistant. Des cours sur les compétences des autres professions de santé existent dans plus de la moitié des départements selon les résultats obtenus lors du travail de thèse. Cela se traduit par des réunions communes et du travail autour de situations de patients dans plus de 6 DMG sur 10. La vision actuelle du travail interpro est toutefois limitée aux professions médicales ou paramédicales et mériterait d'être élargie « aux métiers gravitant autour (travailleurs sociaux, les coachs sportifs, les diététiciens) » selon la thèse, comme on le retrouve dans la littérature américaine et canadienne. 

La thèse déplore toutefois « peu de projets autour du patient (dans 12 DMG sur 35) », acteur pourtant « central ». Autre point noir, la réalisation des stages ambulatoires en milieu pluriprofessionnel ne concerne qu’entre 0 et 25 % des stages effectués par les internes pour la majorité des départements de médecine générale (22) en France.

Sur les aspects précédemment cités, la thèse n'a pas permis de réaliser un comparatif fiable de la France avec ses voisins belges et britanniques faute de réponses au questionnaire. Cependant, « les différences les plus marquantes portaient justement sur les pratiques interprofessionnelles des étudiants, avec systématiquement des projets interprofessionnels autour de patients et une majorité de stages effectués dans des structures pluriprofessionnelles », précise l'auteur.

Manque de temps et d'enseignants

Mais qu'est-ce qui peut bien freiner les DMG français quand la majorité d'entre eux est tout à fait d’accord (19) ou d’accord (14) pour définir la formation au travail interprofessionnel des internes comme une priorité ? D'après les questionnaires recueillis par le Dr de Bremond d'Ars, les obstacles principaux seraient le manque de  temps (49 %), de ressources financières (34 %), et de disponibilité des enseignants (49 %). À noter que le manque de motivation des étudiants n'est pas une donnée qui ressort de l'étude.

Le ratio entre le nombre d'enseignants dans les facs françaises et le nombre d'étudiants est aussi une des pistes explorées par le travail de thèse. « Une de nos hypothèses était qu’un nombre plus grand d’enseignants par rapport au nombre d’internes permettrait un développement plus important de projets dépassant la simple acquisition de compétences médicales ». Si ce lien n'a pas pu être clairement établi grâce aux résultats de la thèse, les représentants des enseignants de médecine générale comme le Snemg alertent les pouvoir publics depuis plusieurs années sur le manque d’enseignants. 

Pistes d'amélioration

En ouverture, la thèse évoque différentes avancées possibles pour renforcer la formation interpro dans les universités françaises, s'inspirant notamment de la littérature internationale. Comme cela se fait à l'Université de Laval (Canada), des séminaires de découverte des autres professions pourraient permettre « une première phase d’enseignement des pratiques collaboratives ». Les DMG interrogés ont en effet exprimé une volonté de mise en situation plus importante. Cinq d'entre eux ont affirmé vouloir mettre en place des groupes d’échanges de pratiques interprofessionnels appelés GEPi.

Le Dr Pierre De Bremond d'Ars évoque aussi la piste de la simulation pour améliorer les pratiques grâce à « une mise en situation de professionnels de santé de filières différentes autour d’un cas pratique, en contexte de formation, avec un patient acteur ou un équipement de simulation ». Enfin, la possibilité de regrouper les départements de formation « non plus par filière mais par exercice (soins de premier recours) » pourrait également permettre de renforcer la pluriprofessionnalité dès l'apprentissage de l'interne.


Source : lequotidiendumedecin.fr