Inflation des actes et des IJ, PDS mal assurée, Rosp insuffisante : la Cour des comptes se paye (à nouveau) les médecins libéraux

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Publié le 07/07/2023
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Crédit photo : S.Toubon

À la faveur de neuf fiches thématiques, la Cour des comptes a présenté ce vendredi ses « contributions » pour améliorer la qualité de la dépense publique et la diminuer de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’ici 2027. Niches fiscales rationalisées, aides publiques mieux ciblées mais aussi régulation accrue des dépenses de santé : la Cour des comptes recommande un effort substantiel de façon à dégager « idéalement » soixante milliards d'euros d'économies d'ici à 2027, a souligné le premier président de la Cour Pierre Moscovici.

Efficacité à démontrer

La maîtrise des dépenses de soins de ville (107,6 milliards d’euros en 2022, devant l’hôpital, 98,4 milliards) figure en bonne place des gisements d'économies, aux côtés des niches fiscales (94,2 milliards), des politiques du logement (38, 2 milliards), ou de l’alternance et la formation professionnelle (21,8 milliards d’euros). « Beaucoup de dispositifs n'ont pas montré la preuve de leur efficacité », relève Pierre Moscovici qui évoque « le développement des modes de rémunération alternatifs pour lutter contre l’inflationnisme du paiement à l’acte ».

« Si certaines pistes lancées par les pouvoirs publics (comme la coordination et le partage de compétences entre professionnels de santé libéraux) sont intéressantes, leur efficacité reste à démontrer et le modèle de l'exercice libéral isolé, assis sur une rémunération à l'activité, est toujours prédominant », avancent les magistrats financiers, auteurs de la fiche « accélérer la réorganisation des soins de ville pour une meilleure prise en charge des patients ». 

Le dispositif médecin traitant décevant

Certains fondamentaux du parcours de soins sont épinglés. Ainsi, le dispositif médecin traitant « apparaît décevant dans son application », faute d’apporter un contenu médical effectif aux parcours de soins. Un constat aggravé par les retards considérables du DMP qui « ont privé les professionnels de santé de l'outil indispensable à une bonne coordination ». De surcroît, la Cour rappelle que 11 % des patients de 17 ans et plus n’ont pas de médecin traitant déclaré. « Ces constats n’ont pas conduit cependant à remettre en cause ce dispositif », note la Cour.

Vieux refrain de la rue Cambon, la note ajoute que la permanence des soins a été « considérablement fragilisée » par la suppression, en 2003, de l’obligation réglementaire des médecins libéraux aux gardes et astreintes au profit du volontariat.

Quant à l'organisation de la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), elle ne trouve pas davantage grâce aux yeux des magistrats. « Cumulés de 2017 à 2022, les crédits versés (aux médecins) atteignent 1,6 milliard d’euros. L’atteinte des objectifs est globalement insuffisante et les indicateurs n’ont pas enregistré d’avancée majeure », s'impatiente la Cour des comptes. Ce qui ne l’empêche pas de souligner « l’intérêt de découpler la rémunération des praticiens du nombre d’actes effectués » – les effets « inflationnistes » de la rémunération à l’acte ayant été « largement documentés ».

Lutte contre la fraude et analyse des IJ

Autre gisement classique d’économies pour les magistrats financiers, les indemnités journalières, dont « la dynamique hors Covid demeure forte : +1,1 milliard d’euros, soit une augmentation de 8,1 % en 2022 ». Les déterminants de cette croissance devraient faire l’objet d’analyses complémentaires, avance la Cour.

Elle suggère au passage que la Cnam intensifie son travail de lutte contre la fraude des professionnels de santé via les leviers de la loi de financement de la Sécu de 2023 (déconventionnement d’urgence et pénalités financières renforcées). Préjudice estimé : « entre 700 millions et 1,1 milliard d’euros ».

Pour autant les « sages » ne se contentent pas de préconiser une traque aux abus. Ils misent sur le virage numérique en santé via la télésanté et la dématérialisation des prescriptions. À ce titre, la Cour s’étonne « de la non-parution des textes d’application fixant l’obligation de dématérialisation fin 2021 pour les arrêts de travail, fin 2024 pour les autres prescriptions ».

Outil de régulation financière

En matière de remède aux déserts médicaux, les magistrats proposent une solution radicale, autre serpent de mer, en suggérant que « l’extension du conventionnement sélectif aux professions médicales pourrait soutenir la nécessité de focaliser les aides attribuées aux professions de santé sur les populations et les territoires moins bien pourvus ».

Enfin, la Cour déplore « qu’aucun outil de régulation financière infra-annuelle n’ait été conçu qui permette d’assurer le respect de l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie en matière de soins de ville ». La Cour songe-t-elle à des mesures correctives en cours d'année sur les tarifs (lettres clés flottantes) ou le niveau des prescriptions ? Elle juge en tout cas que les dépenses du secteur restent insuffisamment pilotées et donc régulées.


Source : lequotidiendumedecin.fr