Combien de temps faut-il attendre avant d’obtenir un rendez-vous chez un généraliste ou un spécialiste? Est-ce mieux ou pire qu’avant ? Les inégalités d’accès aux soins se sont-elles encore creusées ? Si le sentiment de la dégradation de notre système de santé est souvent évoqué dans les sondages, les données qui permettent de le justifier restent encore limitées. Doctolib s’est livré à cet exercice en réalisant une vaste étude* comparative sur les délais d’attente entre professions de santé (sept spécialités médicales, dentistes, sages-femmes, kinés) et entre départements.
Toutes professions confondues, les chiffres de Doctolib sur 2023 indiquent que les délais d’octroi de rendez-vous sont « pour la plupart largement inférieurs aux autres études existantes », notamment de la Drees (ministère). « Ce qui est un signal encourageant, compte tenu de l’augmentation de la demande de soins post-Covid et la baisse de la démographie médicale », note Doctolib. Mais dans le détail et au-delà des biais de lecture propres à l’étude, la donne change.
Les médecins généralistes bons élèves
La médecine générale s’en tire plutôt bien. L’étude montre un délai médian de trois jours pour accéder à un généraliste, avec un maximum d’une semaine d’attente dans les départements dont la démographie médicale est la plus sinistrée.
Pour les autres spécialités étudiées, le délai d’attente médian est de moins d’un mois pour la pédiatrie (7 jours), la psychiatrie (16 jours), la gynécologie (22 jours) et l’ophtalmologie (25 jours). Et au-delà d’un mois pour les dermatologues (36 jours) et les cardiologues (42 jours).
Une mobilisation pour les soins non programmés
Malgré leurs difficultés, les soignants se mobilisent pour réduire les inégalités d’accès aux soins et répondre aux soins non programmés. De fait, 41 % des consultations chez les généralistes sont réalisées dans les 48 heures qui suivent la prise de rendez-vous. Un rendez-vous sur trois (33 %) est validé en moins de 24 heures. Mais entre 2021 et 2023, l’étude note que la part des rendez-vous en 48 heures a diminué de – 3 %, reflétant sans doute les difficultés liées à la baisse démographique de la profession.
En pédiatrie, l’engagement des praticiens est également fort. 34 % des consultations sont réalisées dans les 48 heures suivant la réservation (et 30 % en 24 heures). Selon Doctolib, cette réponse rapide pourrait s’expliquer par un bon fonctionnement du tandem généraliste/pédiatre et par la nature des besoins de prise en charge de l’enfant. Mais cette lecture plutôt « rassurante » est à tempérer à l’échelle d’un bassin de vie où les disparités continuent à coexister, y compris dans les départements démographiquement mieux dotés que les territoires en difficulté.
Cette mobilisation est également notable chez les cardiologues. Malgré une dégradation notoire des délais de rendez-vous en trois ans (+ 9 jours), le pourcentage de consultations réalisées en moins de 7 jours ne varie que de deux points, passant de 18 % à 16 %, ce qui montre une forme d’engagement constant de la part de ses spécialistes – même si beaucoup reste à faire pour améliorer l’accès aux soins. La cardiologie est la spécialité dont le délai d’attente médian est le plus long de toutes les professions analysées par Doctolib : pas moins de six semaines (42 jours).
Corrélation entre délai de consultation et densité médicale
Car sans surprise, l’étude révèle que le délai d’accès aux soins a tendance à se superposer à la démographie médicale. En Île-de-France, sur la zone littorale et dans les départements accueillant de gros pôles urbains et/ou universitaires, la densité médicale est plus élevée que la moyenne nationale et la prise de rendez-vous plus rapide qu’ailleurs.
À l’inverse, quatorze départements présentent de grandes difficultés d’accès aux soins : le Gers, la Saône-et-Loire, la Nièvre, le Territoire de Belfort, le Loiret, le Cher, les Deux-Sèvres, l’Ardèche, l’Eure, le Calvados, la Manche, la Loire-Atlantique, les Côtes d’Armor et le Pas-de-Calais.
Pour les patients, la situation est la plus délicate en ophtalmologie, en dermatologie et en pédiatrie. Dans ces trois spécialités, on constate plus de trois mois d’écart entre les départements où les délais sont les plus rapides et les plus courts. Ces écarts ont même augmenté pour les dermatologues (+14 jours) et les pédiatres (+9 jours) entre 2021 et 2023, note Doctolib.
En revanche, l’étude note une homogénéité au niveau départemental pour les médecins généralistes. L’écart entre les départements est de 2 à 7 jours. Chez les ophtalmologistes, il est de 6 à 123 jours.
Des délais cinq fois plus courts avec la téléconsultation
L’étude montre que l’utilisation de la téléconsultation est adaptée pour répondre aux demandes de soins les plus urgentes. En moyenne, les délais médians d’octroi de rendez-vous sont « cinq fois plus rapides en téléconsultation par rapport à l’ensemble des consultations ». De fait, si le délai médian de rendez-vous au cabinet est de trois jours pour un médecin généraliste, il passe à un jour pour une téléconsultation. Chez les pédiatres, il passe de sept à un jour. Avec les gynécologues, ce sont ces trois spécialités qui en ont le plus l’usage. 40% de ces professionnels clients de Doctolib utilisent la téléconsultation via leur logiciel de gestion de patientèle.
* Étude portant sur dix professions médicales et paramédicales, plus de 60 000 professionnels de santé libéraux exerçant en France et clients des outils Doctolib, à l’origine de 200 millions de consultations en 2023.
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