Au lendemain du discours d’Emmanuel Macron sur la santé, le président de la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), Sébastien Guérard, a pris acte de la volonté du chef de l’Etat de « mettre fin au scandale des déserts médicaux », en « simplifiant les règles pour dégager du temps médical et mieux travailler ensemble entre la ville et l’hôpital, les médecins et les paramédicaux ». Mais pour relever ces défis, « iI va falloir muter en profondeur et ne pas être freiné par un corporatisme qui n’a pas de sens », a fustigé le kiné libéral de Saint-Nazaire.
Pour avancer sur ce sujet, la profession attend la concrétisation de plusieurs évolutions organisationnelles actées par la loi. C’est le cas de l’accès direct aux kinés au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ouvert par la loi Rist de 2023 sous forme expérimentale. Après un débat parlementaire houleux et la levée de boucliers du corps médical craignant une « dérégulation du parcours de soins », la loi a choisi d’expérimenter cette possibilité dans six départements, dont deux Outre-mer, pour cinq ans. Les modalités de mise en œuvre doivent être précisées par un décret pris après l'avis de l’Académie nationale de médecine et de la Haute Autorité de santé (HAS). Or, ni le décret ni l’avis de l’Académie de médecine n’ont été rendus.
6 000 recours aux urgences évitables
« Le choix de passer par une expérimentation avait été imposé par les corporatismes médicaux pour freiner l’accès direct », a critiqué Sébastien Guérard. L’avis de la HAS rendu sur ce sujet est « mi-figue mi-raisin », ajoute-t-il, car elle s’est fondée sur des avis « très contradictoires » de conseils nationaux professionnels (CNP). « Or, l’accès direct aux kinésithérapeutes génère des économies de prescription médicamenteuse et d’examens complémentaires précoces », a plaidé celui qui est aussi l’actuel président de l’UNPS (libéraux de santé). Pour preuve, la prise en charge directe de l’entorse bénigne sans passer par la case médecin permettrait d’éviter 6 000 recours aux urgences chaque jour, défend la FFMKR.
Autre mesure de la loi Rist ayant pris du retard : l’élargissement de la liste des produits (médicaments et dispositifs médicaux) pouvant être prescrits par les kinésithérapeutes. Un arrêté est en attente depuis deux ans. « Pour les médicaments, nos demandes essentielles concernent les antalgiques de catégorie 1 et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Cette publication évitera aux patients de consulter un médecin généraliste », justifie le représentant des kinés libéraux. Face à ce retard, la FFMKR a annoncé son intention de saisir le conseil d’État pour « faire condamner l’administration pour excès de pouvoir ».
Ponction financière
Alors que la nomination d’un ministre délégué de la Santé est toujours attendue, la FFMKR se dit vigilante quant au respect des engagements conventionnels. « On a déjà vu, dans le passé, un ministre tout juste arrivé remettre en cause les accords signés », a-t-il prévenu. En juillet, la FFMKR a signé un avenant qui prévoit des revalorisations tarifaires en contrepartie de la régulation à l’installation de la profession et du renforcement des rôles assignés aux kinés en matière de prévention. Or, selon Sébastien Guérard, certaines propositions de « maîtrise médicalisée des soins de kinésithérapie » présentées par la Cnam aux syndicats de médecins libéraux dans le cadre de leurs propres négociations pourraient remettre en cause « le libre choix des techniques et le nombre de séances fixé par les kinés ». « Nous nous opposerons à un tel retour humiliant qui a pour seule finalité de financer la convention médicale au détriment des kinés », avertit le syndicaliste.
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