Alerté par l’ampleur du phénomène des commentaires critiques, voire blessants, sur la toile envers certains praticiens, le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) a publié à l’automne 2018 un guide pratique de préservation de sa réputation numérique. Il est vivement conseillé de le lire. A l’ère du numérique, on ne maîtrise plus grand-chose et encore moins sa e-réputation. Les recours face à des avis défavorables, des dérapages, des injures ou des menaces… non seulement doivent se faire dans les règles de déontologie qui incombent à la profession mais exigent de l’énergie et une maîtrise des rouages juridiques qui dépassent n’importe quel jeune médecin.
Mise en garde
La prévention consiste en un état des lieux régulier, sous forme de recensement au moins mensuel de toute « l’actualité » de votre profil et de votre activité professionnelle : « Les avis d’internautes publiés sur Google ou sur des sites spécialisés, les informations relatives à tout exercice professionnel éditées en ligne, les articles émergeant sur des blogs, des messages ou discussions sur des réseaux sociaux, tous ces éléments sont de nature à impacter l’image numérique », cite l'Ordre dans ce guide d'une trentaine de pages.
Pour suivre activement ce qui s'écrit sur vous, mettez en place une veille numérique par mots-clés sur les moteurs de recherche, plateformes et réseaux.
Par ailleurs vous pouvez anticiper en créant un compte sur ces mêmes sites pour évaluer dans un premier temps les discours existants. Cela vous permet aussi de répertorier les contacts mail et téléphone de ces sites hébergeurs afin de leur écrire rapidement si vous vous estimez visé. En général, ils se trouvent dans le bandeau en bas de la page d’accueil.
Vous pouvez, avant même toute découverte d'informations déplacées ou malveillantes, vous rapprocher de votre assurance professionnelle. Celle-ci peut proposer un avenant, une garantie e-réputation d’accompagnement dans des démarches.
Actions recensées
S’il y a, à votre insu, création d’une fiche professionnelle ou si vous en avez créé une et désirez la fermer, vous avez le droit dans les deux cas de vous opposer à l’exploitation de vos données personnelles. Il faut écrire un mail à l’éditeur (contact en bas de page d’accueil), exigeant le retrait de ces informations « privées » et bien sûr garder les traces de votre demande.
Par ailleurs, il y a les mécontents, les râleurs, les procéduriers qui expriment sur les réseaux sociaux leur colère, après une attente trop longue pour un rendez-vous ou un manque de disponibilité du médecin. Ils vous notent d’un avis passable !
Confronté à des critiques qui atteignent alors à votre image, il vous faut réagir : premièrement, scannez, faites une capture d’écran ou une photographie de la phrase offensante.
Ensuite le Guide pratique du Conseil de l’Ordre propose de réagir de plusieurs manières : soit en restant silencieux pour ne pas envenimer la situation ; soit en apportant une réponse « empathique », dont les mots doivent rester dans le cadre déontologique sans porter atteinte ni au secret médical ni à la liberté d’expression de votre « offenseur » ! Pour résumer, si vous vous sentez bafoué, répondez avec bienveillance !
Enfin, troisième hypothèse, si vous estimez que cet avis est illicite et porte atteinte à votre intégrité, vous pouvez aller jusqu’à l’action en justice !
Recours
Les conseils d’un avocat indépendant (ou par l’intermédiaire de votre assurance professionnelle) face aux avis illicites sont importants mais l’accompagnement devient indispensable face à des injures, diffamations ou autres incitations à la haine ou au dénigrement.
Là aussi, il y a plusieurs paliers dans l’action juridique : signalement puis mise en demeure par lettre recommandée, notification, constatation par huissier. Votre avocat peut vous conseiller une procédure de référé ou de requête contre le site hébergeur ou l’auteur des propos. Le dépôt d’une plainte, puis l’assignation ou la citation directe sont alors envisageables.
A.C.
Ce que recommande l'Ordre dans son guide
« Remercier dans un premier temps le patient d’avoir laissé un avis ; lui faire comprendre que vous avez compris la nature de son désagrément ; puis, en fonction des situations : - si le désagrément est fondé, en expliquer la cause et les éventuelles mesures mises en œuvre pour le pallier ; si le désagrément n’est pas fondé, informer l’auteur du commentaire de votre surprise à sa lecture ; si nécessaire précisez à l’auteur du commentaire que vous ne pouvez lui fournir une réponse complète sans risquer de porter atteinte au secret médical ; enfin proposez à l’auteur du commentaire de vous contacter sur vos coordonnées professionnelles, afin de permettre de trouver une solution aux difficultés qu’il a pu rencontrer. »
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