« Dispositif flou, contrôles lacunaires, financements mal distribués » : la Cour des comptes étrille l’ANDPC

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Publié le 01/07/2019
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Crédit photo : GARO/PHANIE

La Cour des Comptes a rendu public aujourd’hui un référé, envoyé mi-avril à la ministre de la Santé, relatif à un contrôle de l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC). L'an dernier, les magistrats de la rue Cambon se sont penchés sur l’organisation et le financement de l’Agence et mais aussi du dispositif de DPC, et leur rapport conclusif fait état de « nombreux dysfonctionnements ».

Trop d'orientations prioritaires

La Cour des comptes épingle notamment l’encadrement « inefficace » du dispositif. Malgré la mise en place depuis 2016 d’ « orientations prioritaires », celles-ci sont beaucoup trop nombreuses pour être pertinentes estiment les sages. Dans son référé, la Cour dénombre, pour la période 2016-2018 : « 34 orientations prioritaires au titre de la politique nationale de santé, 354 par professions, 17 spécifiques au service de santé des armées, soit un total de 405 ». Ces orientations sont par ailleurs considérées comme étant souvent « imprécises ». Les sages en concluent donc que « ce cadre ne peut dès lors qu’être inopérant ». Pour contourner cette multiplication d’orientations, la Cour explique que l’ANDPC pourrait solliciter des appels d’offres pour réellement prioriser les besoins de formation. Cela n’a été fait qu’une seule fois en 2014, un autre est également prévu en 2019 pour des actions favorisant l’interprofessionnalité. « Le bon emploi des fonds publics justifierait une approche beaucoup plus sélective du DPC … », conclut la Cour des comptes qui souligne que l’agence est dans « l’impossibilité d’évaluer la plus-value du DPC et de son appart à la qualité et à la sécurité des soins ».

Des contrôles facilement contournés

Depuis le remplacement de l’OGDPC par l’ANDPC de nouveaux mécanismes de contrôle ont été mis en place, mais ceux-ci restent « particulièrement lacunaires », aux yeux de la Cour des comptes. Sur les contrôles des organismes à l’enregistrement, les sages pointent notamment des manques pour vérifier l’indépendance financière des organismes vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Aucun texte n’interdit l’enregistrement d’un organisme majoritairement, voire intégralement, financé par l’industrie, à partir du moment où des dispositions sont mises en place pour garantir l’indépendance des concepteurs, intervenants et contenus des programmes. Mais rien n’oblige les industries pharmaceutiques à rendre publique les conventions passées avec les organismes de DPC. Dans sa deuxième recommandation, la Cour des comptes suggère donc au ministère de faire en sorte que ce soit désormais le cas.

Sur le contrôle pédagogique des actions, les commissions scientifiques indépendantes (CSI) ne sont en mesure que d’effectuer un nombre limité d’évaluations (un peu moins de 10 %). La Cour explique que certains organismes jouent de ces moyens limités en multipliant les actions afin de contourner les contrôles : « Il est possible pour un même organisme de voir l’ensemble de ses actions, contrôlées, rejetées et pour autant être à même de proposer aux professionnels celles qui n’ont pas été évaluées. » Enfin, sur les contrôles « a posteriori », le dispositif de signalement mis en place est largement insuffisant d’après le référé, qui estime qu’il serait nécessaire de mettre en place des contrôles sur place, impossible aujourd’hui faute de base juridique pour l’ANDPC.

Des financements trop généreux

Le rapport de la Cour des comptes fustige aussi largement le financement actuel du DPC. Elle explique que « les forfaits apparaissent très largement surévalués par rapport au coût réel des formations ». Le surcoût annuel serait de l’ordre de 30 millions d’euros, soit 20 à 25 % des fonds investis par l’État dans le DPC. Les sages mettent en lumière « l’incapacité de l’agence de définir le juste prix des prestations qu’elle finance ». Pour illustrer cette dérive financière, la Cour pointe aussi du doigt la prise en charge des DPC à l’étranger ou les contrôles des actions en e-learning à partir de déclarations sur l’honneur ou sur la base d’élément fournis directement par les organismes.

Par ailleurs, il n’existe pas de vérification de prise en charge par un autre financeur d’une même action de DPC, ce qui peut donner lieu à des doubles financements. Au vu de ses éléments, la Cour recommande donc de limiter le financement des actions « sous réserve d’en contrôler l’effectivité », à trois par cycle et par professionnel (soit trois pour trois ans). Elle suggère aussi de mettre en place un « contrôle croisé des financements des différents financeurs de la formation continue », pour éviter les doublons.

Trop de professionnels de santé dans la gouvernance ?

De manière générale, même si la Cour des Comptes rappelle que l’ANDPC est une structure jeune, elle estime qu’il faut corriger impérativement « ses nombreux défauts de conception », à travers notamment, « une montée en compétence de ses effectifs et un renforcement des instruments juridiques ». Les sages considèrent aussi que sa gouvernance doit être clarifiée et pointent notamment des « conflits de légitimité » avec une « présence très forte des professionnels de santé ». Ils renvoient aussi le ministère de la Santé à ses responsabilités et épingle « une mobilisation faible … critiquable ». La conclusion de la Cour est sans appel : « En l’état, le DPC ne permet toujours pas (…) de s’assurer que les professionnels de santé mettent en œuvre au cours de leur vie professionnelle l’obligation de suivi des formations nécessaires pour assurer la qualité et la sécurité des soins ». L’ANDPC n’a pour l’instant pas réagi à ce rapport.


Source : lequotidiendumedecin.fr