Permanence des soins

Qui a dit que les libéraux ne prenaient pas leurs gardes ?

Par
Publié le 10/05/2024
Article réservé aux abonnés

Le Conseil de l’Ordre vient de rendre public son enquête annuelle sur la permanence des soins ambulatoires. Avec 97 % des territoires couverts en 2023, le Cnom y trouve la meilleure des réponses possibles aux récentes menaces gouvernementales d’un possible retour de l’obligation des gardes.

Crédit photo : BURGER / PHANIE

N’en déplaise à Gabriel Attal et à Frédéric Valletoux, la permanence des soins ambulatoires (PDS-A) est bel et bien assurée dans l’immense majorité des secteurs. « Cette question est presque un faux problème », évacue même le Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président de l’Ordre des médecins, qui fustige les « effets de manche et (les) coups de menton » du Premier ministre et du ministre délégué à la Santé, qui brandissent depuis des mois la menace du retour de l’obligation des gardes pour les médecins libéraux dans les territoires où la PDS ne serait pas garantie pour les Français.

Dans les faits, 97 % des territoires de garde sont couverts durant les week-ends et les jours fériés. C’est deux points de plus qu’en 2022. La couverture en soirée progresse de 1 % et atteint 96 % des territoires. Les zones blanches (non couvertes) sont donc très rares, de quoi mettre en perspective les critiques politiques sur la désorganisation des gardes en ville. Tel est le premier enseignement, de taille, que révèle le Cnom dans son nouveau rapport annuel sur l’état des lieux de la PDS.

En revanche, en dépit d’une progression de trois points sur un an, seuls 27 % des territoires sont couverts pour la nuit profonde, ce qui s’explique au regard du faible nombre d’actes réalisés. « Mais en nuit profonde, ce n’est pas vraiment de la PDS-A. On y trouve essentiellement des urgences qui sont couvertes par l’Aide médicale urgente », souligne le Dr Jean-Luc Fontenoy, directeur du rapport et président de la commission nationale de la PDS et de l’AMU de l’Ordre.

Image 0

S’appuyant sur les réponses de ses 101 conseils départementaux, l’Ordre a recensé exactement 39,34 % de médecins généralistes (effecteurs et régulateurs) ayant participé à la PDS-A en 2023 contre 38,48 % en 2022. Ce qui représente bel et bien une hausse du volontariat, malgré les tensions en médecine de ville. L’Ordre a ainsi comptabilisé l’an passé « 26 065 médecins volontaires pour un total de 66 257 médecins susceptibles de prendre une garde ».

Reste que ce taux de participation aux gardes d’environ quatre généralistes sur 10 est encore jugé insuffisant par Frédéric Valletoux. « Ce n’est pas le nombre de médecins qui participent qui fait la qualité de la PDS-A mais la surface du territoire couverte effective », recadre le Dr Jean-Luc Fontenoy. L’ordinal cite l’exemple de la capitale qui ne connaît pas de difficultés majeures alors que « seulement 8 % des généralistes participent à la PDS » –, l’essentiel de la couverture étant assurée par SOS Médecins.

De 6 à 161 gardes par médecin

En 2023, les médecins effecteurs ont réalisé en moyenne 28 gardes, soit une de moins qu’en 2022. Ce nombre diffère considérablement d’un département à l’autre, ou même d’un secteur à l’autre. Ainsi, un médecin dans l’Orne assure en moyenne six gardes quand un confrère en Seine-et-Marne en affiche 161.

À noter aussi que cette moyenne englobe les médecins travaillant au sein d'associations comme SOS Médecins, pour qui les prises en charge en horaires de PDS-A s’inscrivent dans leur activité quotidienne, contrairement aux libéraux installés, qui y participent en plus de leur travail en cabinet.

En montrant que la jeune génération s’investit pleinement dans la permanence des soins, le rapport bat en brèche une autre idée reçue. Les chiffres de l’Ordre montrent la poursuite de la baisse de l’âge moyen des effecteurs de garde. Il passe de 45,8 ans à 45,2 ans. 64 % des médecins participant à la PDS-A ont entre 35 et 59 ans. Seul un sur cinq (21 %) a plus de 59 ans.

À l’arrivée, sur l’ensemble du territoire, la PDS reste, comme en 2022, assurée à 88 % par des médecins libéraux installés, mais à 6 % tout de même par des remplaçants exclusifs et à 2 % seulement par des médecins salariés de centres de santé. Un médecin de garde sur quatre (25%) a été remplacé « au moins une fois » l’an passé, observe l’Ordre. Plus d’un remplaçant sur deux (54 %) était un étudiant.

À noter qu’en matière d’effection fixe, la généralisation des sites dédiés (maisons médicales de garde, etc.) se confirme. Ainsi, 90 départements disposent d’un ou plusieurs sites dédiés à la PDS-A (c’est six structures de plus sur un an). Pour autant, des gardes sont encore réalisées au cabinet du médecin traitant dans 83 % des départements. L’Ordre précise que 12 départements ont bénéficié de transports spécifiques pour les patients non-mobilisables vers ces sites dédiés.

De la régulation tous azimuts

Sur le plan de la régulation libérale, le rapport constate là encore une croissance de 11,9 % du total des médecins participants sur un an. La part des généralistes libéraux exclusifs ayant une activité régulière y a augmenté de 8,9 %, et celle des médecins retraités, salariés ou remplaçants a bondi de 22,3 % pour cette activité de régulation.

Image 0

Quant à la rémunération de cette régulation, l’Ordre relève que « toutes les régions » appliquent désormais des tarifs horaires de PDS-A supérieurs au montant minimum de 70 euros par heure établi au niveau national. En 2023, les rémunérations horaires varient de 90 euros à 150 euros selon les régions et plages. Une évolution qui traduit la « volonté des ARS d'harmoniser la rémunération de la régulation en horaires de PDS-A avec les rémunérations pratiquées dans le cadre du service d'accès aux soins (SAS) », lit-on dans le rapport.

Des réquisitions à la hausse

Cette embellie n’a pas empêché l’année 2023 d’enregistrer une hausse notable du nombre de réquisitions. Ces dernières ont été observées dans 75 départements (contre seulement 44 en 2022). Mais l’Ordre avance trois raisons conjoncturelles pour expliquer ce phénomène à contre-courant de l’amélioration de la couverture : les carences durant les fêtes de fin d’année ; les week-ends incluant des jours fériés ; les mouvements de grève des généralistes l’an passé. Au moins un millier de médecins ont été réquisitionnés au cours de l'année, évalue l’Ordre.

Il n’empêche, de l’avis des premiers intéressés, l’état des lieux global de la PDS-A s’est amélioré en 2023. Ainsi, 24 conseils départementaux de l’Ordre estiment que la PDS-A « fonctionne de manière optimale » dans leur département (soit 9 de plus qu’en 2022). Soixante-et-onze jugent qu’elle « fonctionne bien » mais avec des zones en difficulté. Seuls huit (un de moins qu’en 2022) considèrent qu’elle ne fonctionne pas du tout.

Enfin, le rapport du Cnom relève le peu de succès du numéro de régulation spécifique 116-117 défendu par les syndicats de praticiens libéraux. En 2023, il n’était utilisé que par 15 départements (contre 13 un an plus tôt). Seuls 39 % des conseils départementaux se déclarent favorables à ce numéro dédié à la PDS-A pour désengorger le 15.


Source : Le Quotidien du Médecin