La médecine de ville peut-elle s’appuyer davantage sur l’hôpital pour améliorer la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie à domicile ? La réponse est oui pour la Dr Catherine Fernandez, médecin gériatre hospitalier, responsable de l’unité mobile extra-hospitalière au CHU de Strasbourg.
Ces collectifs, qui interviennent déjà au sein des services hospitaliers, se développent désormais « hors les murs » depuis le Covid. « C’était une période très importante qui a mis en lumière l’agilité de ces équipes pour soutenir tous les professionnels, médecins, infirmiers, qui interviennent à domicile pour prendre soin de cette population âgée », se remémore celle qui est aussi présidente du groupe de travail des équipes mobiles de gériatre (EMG) pour la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG).
Aujourd’hui, quelque 380 équipes mobiles de gériatrie maillent le territoire et sont financées par les ARS dans le cadre des Migac (missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation). Leur intervention en ville se déclenche souvent après les « signalements » de médecins traitants en difficulté avec des patients atteints de troubles du comportement (agitation, déambulation) ou avec des signes de confusion. « Mais ces signalements peuvent aussi être faits par les services sociaux, les assistantes sociales, le Samu, la justice ou la police », souligne la Dr Fernandez.
Binôme agile
À Strasbourg, l’équipe mobile, créée il y a dix ans, a pris en charge 700 patients à domicile en 2023. « Ces personnes ont des troubles cognitifs avec un environnement familial insuffisant, des troubles du comportement, une précarité sociale, un isolement, des addictions importantes », décrit la gériatre.
Comment fonctionne l’équipe mobile de gériatrie dans la capitale alsacienne ? Sur appel du médecin traitant, principalement, le binôme « de base », composé d’un médecin gériatre et de l’infirmier spécialisé en gérontologie, se rend au domicile pour écouter le patient ainsi que son entourage. À Strasbourg, trois gériatres et quatre infirmiers à temps plein se relaient. En fonction des besoins, un psychologue ou un autre thérapeute complètent l’équipe. « Nous prenons le temps pour repérer, expertiser, fluidifier et optimiser les parcours, explique la gériatre. Beaucoup de patients sont passés à travers les mailles du filet avec des troubles cognitifs non diagnostiqués… Une de nos missions est justement d’éviter l’hospitalisation des patients ; nous visons aussi le repérage du risque d’épuisement de l’aidant, point très important de la mission. »
Une de nos missions est d’éviter l’hospitalisation des patients ; nous visons aussi le repérage du risque d’épuisement de l’aidant »
Dr Catherine Fernandez (SFGG)
Très peu de refus de la part des médecins traitants
Une fois l’évaluation gériatrique approfondie effectuée dans le cadre de vie, l’équipe mobile identifie des leviers de prise en charge pour « débloquer la situation ». Un compte-rendu est transmis au médecin généraliste traitant avec des recommandations de prise en charge « optimale » allant dans les détails, jusqu’à la prise de médicaments. Lorsque le médecin traitant n’est pas à l’origine du signalement, son aval est obligatoire. « Il y a très peu de refus de la part des généralistes. On a l’impression que pour le médecin traitant, nous apportons une plus-value, une observation différente qui se fait sur un temps plus long », insiste la Dr Fernandez.
Généraliste depuis de trente ans à Strasbourg, le Dr Pierre Tryleski salue cette coopération ville-hôpital renforcée. « Hier soir, je suis passé voir une patiente de retour d’une hospitalisation après un épisode de décompensation, raconte-t-il. Quand je suis arrivé, son mari, également hospitalisé, était aussi rentré. Face à cette situation complexe, j’aurais pu m’en occuper seul mais cela aurait pris beaucoup de temps. J’ai donc contacté l’équipe mobile qui me donne des recommandations. J’ai été rassuré. »
Également président de la CPTS Eurométropole Strasbourg Nord (la Cosen), le Dr Tryleski promeut ce dispositif de coordination auprès des généralistes de son territoire. Et pour faciliter ce travail en équipe, le médecin souhaite créer « un outil de transmission des informations entre les médecins libéraux et l’équipe mobile », en développant un « dossier médical commun ». « L’hôpital était dans une culture hospitalo-centrée, abonde la Dr Fernandez. En raison de la rareté des ressources humaines, le décloisonnement devient une nécessité. »
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