Samu de la mer

À Toulouse, des médecins pas marins d'eau douce

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Publié le 10/11/2023
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Depuis la Ville rose, des praticiens soignent à distance les marins qui voguent sur toutes les mers du monde. Le docteur Patrick Roux pilote cet unique centre de consultation maritime de France.

Crédit photo : DR

Créé en 1983 au sein du Samu de la Haute-Garonne, le Centre de consultation médicale maritime (CCMM) a réuni mi-octobre à Toulouse l’ensemble des acteurs de la profession pour souffler ses 40 bougies. Étaient présents les membres des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (Cross) qui interviennent en zones côtières, et ceux des SAMU de coordination médicale maritime (SCMM). L’occasion de dresser un état des lieux de l’activité de ces professionnels. 

Depuis Toulouse, le médecin urgentiste Patrick Roux dirige depuis 1994 l’unique téléconsultation maritime de France et décrit une activité en constante augmentation. « Nous sommes onze médecins, et avons répondu à 6 483 appels de consultations en 2022 ; notre activité a d’ailleurs progressé de 25 % en trois ans. J’y vois avant tout une prise en compte de la santé et de la souffrance des marins, de plus en plus prégnante de la part des responsables des soins à bord des navires », évalue le médecin. Ces prises en charge sous forme de téléconsultations, pas ordinaires et gratuites, sont destinées à tous les membres d’équipage, passagers ou simples occupants de navire.

Syndromes anxiodépressifs en hausse

Les difficultés rencontrées par ces urgentistes pas comme les autres sont presque toujours les mêmes. La première d'entre elles : poser un diagnostic au téléphone lors d'un premier échange avec le responsable des soins navigant, formé en amont par des médecins restés à terre. « Si lui, en mer, ne fait pas correctement et avec précision son job, nous, depuis Toulouse, ne sommes rien », pointe le Dr Roux. Soixante-quinze pour cent des patients sont finalement soignés à bord, à peine 10 % sont débarqués et 15 % déroutés en vue d’une évacuation sanitaire. 

Parmi les causes d’appels les plus fréquentes, les médecins toulousains citent les pathologies cutanées, les infections, les pathologies discales et la petite traumatologie (blessures aux mains et sur les membres supérieurs). Ils constatent aussi une forte hausse des syndromes anxiodépressifs. « Avant, nous étions sollicités une à deux fois par an pour ce genre de problème, désormais c’est jusqu’à trois fois par semaine. » Deux raisons à cela : la pandémie de Covid, qui a totalement modifié les rythmes de navigation ; le conflit en Ukraine, source d'angoisse pour de nombreux marins de ce pays. Pour les accompagner, le CCMM s’appuie sur le Centre ressource d’aide psychologique en mer (Crapem), qui a ouvert ses portes à Saint-Nazaire en 2020. Enfin, l’installation et l’exploitation de plateformes éoliennes le long des côtes génèrent un nouveau type d’interventions liées à des accidents (à ce jour non comptabilisés). Dernier objectif : secourir les bateaux de migrants. « Lorsque nous sommes sollicités par de petites embarcations qui comptent une centaine de personnes à bord, c’est un véritable défi, conclut Sophie Sanquer, administrateur en chef des affaires maritimes en Manche–mer du Nord. Tout l'enjeu pour nous est de nous adapter à ce nouveau besoin. »


Source : Le Quotidien du médecin