« Un sentiment d’injustice » : une généraliste raconte son entretien confraternel sur les arrêts de travail

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Publié le 11/09/2024
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Malgré un entretien confraternel « bienveillant » et sans acharnement début septembre, la Dr Hajer Kanoun, généraliste à Cerny (Essonne), a ressenti une forme d’injustice dans ce contrôle de ses prescriptions d’arrêts de travail.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Ciblée pour ses prescriptions d’arrêts de travail jugés trop élevées, la Dr Hajer Kanoun, 44 ans, a été contactée par mail pour un « entretien confraternel » avec le médecin conseil de sa caisse primaire d’assurance-maladie. La quadragénéraire installée depuis 14 ans raconte au Quotidien ce rendez-vous en visio avec le service médical de sa Cpam, début septembre.

Dans le mail, l’Assurance-maladie explique sobrement à la généraliste que le service médical mène une campagne de contrôle sur les indemnités journalières (IJ) et qu’elle souhaite organiser un entretien confraternel à cet effet. La généraliste réclame alors l’envoi des noms des patients concernés pour préparer au mieux l’échange. « J’ai ressenti une volonté de discussions », reconnaît-elle au départ. Le jour de l’entretien en visio, l’omnipraticienne, adhérente de la FMF, décide de ne pas être seule, mais accompagnée d’un confrère syndicaliste « qui avait de la bouteille ».

Alors que je fais bien mon travail, j’ai eu l'impression qu'on me reprochait de mal le faire

Dès le début de l’échange, le médecin conseil se montre « bienveillant », tenant à « rassurer » la médecin. Il explique qu’il s’agit bien « d’un entretien confraternel et non pas une mise sous objectif (MSO) », procédure très différente qui vise à demander au médecin d’accepter un objectif chiffré de baisse des prescriptions d’IJ.

Plus désagréable, le médecin conseil lui présente alors ses statistiques de prescriptions d’arrêts de travail qui sont « supérieurs » à la moyenne de ses confrères départementaux. « Là, j’ai eu du mal à comprendre comment on pouvait comparer les médecins entre eux car on n’a pas tous la même manière d’aborder les sujets avec les patients », explique la généraliste.

L’entretien entre ensuite dans le vif du sujet, avec les sujets qui fâchent, en l’occurrence la situation de trois patients ayant des arrêts de travail de plus d’un an (sur une patientèle totale de 1 600 adultes).

L’un de ces patients, jeune, a été arrêté pour accident de travail. Pour ce cas précis, le médecin conseil veut savoir si la Dr Kanoun connaît bien le dispositif de « prévention contre la désertion professionnelle » qui prévoit une visite médicale de pré-reprise pouvant être organisée par le médecin du travail à l’initiative du médecin traitant. « Dans chaque cas, le médecin conseil cherchait à savoir si je connaissais les outils qui existaient pour accompagner mes patients afin de mettre fin aux arrêts de travail ou pour les faire prendre en charge par d'autres services comme la retraite par inaptitude ou l'invalidité », explique la généraliste.

7 000 généralistes contactés

Même si la discussion s’est finalement « bien passée » et sans acharnement – avec la validation finale des prescriptions d’arrêt de travail pour les trois patients par le médecin-conseil – la Dr Kanoun déplore cette méthode perçue comme « stigmatisante ». « J’ai ressenti de l’injustice. Alors que je fais bien mon travail, j’ai eu l'impression qu'on me reprochait de mal le faire », résume-t-elle aujourd’hui.

La Dr Kanoun fait partie des 7 000 médecins généralistes qui vont être contactés par la Cnam, d’ici à la fin de l’année, pour échanger sur leurs pratiques et leurs prescriptions d’IJ. En octobre, la syndicaliste devra accompagner à son tour… une autre consœur invitée à un entretien confraternel.


Source : lequotidiendumedecin.fr