« La porte ouverte aux agressions contre les médecins » : un généraliste se désole de la peine clémente prononcée contre un patient violent

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Publié le 28/02/2024
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Agression d'un médecin

Le Dr Baris Cecen, au centre, avec une partie de ses soutiens sur les marches du Palais de justice

Patients, médecins : ils étaient une petite cinquantaine à avoir fait le déplacement au tribunal correctionnel de Montbéliard, mardi 27 février, pour soutenir le Dr Baris Cecen. Ce généraliste de 31 ans, victime de violences physiques, y faisait face au patient de 68 ans qui l’a agressé pour une banale histoire de retard à son rendez-vous, le 30 janvier, dans son cabinet d’Audincourt (Doubs) où il exerce en solo depuis deux ans. Le médecin de famille en est déjà à sa troisième agression sur cette période.

Le généraliste a trouvé du réconfort avec cette mobilisation locale. « Cela fait chaud au cœur de voir qu’on est soutenu. À travers ce que j’ai vécu, ce n’était pas seulement moi qui a été attaqué, mais bien le corps médical tout entier. Beaucoup de monde est venu pour défendre notre cause », se réjouit Baris Cecen.

Ce n’est pas un gamin de quinze ans qui m’a agressé à qui il faut apprendre les règles de vie en société

Dr Baris Cecen

En revanche, sur le fond du jugement, le généraliste du Doubs l’a plutôt saumâtre. Après trois heures « denses et intenses » d’une audience dans la salle du tribunal correctionnel du Territoire de Belfort, le praticien avoue avoir été « très déçu » par ce premier verdict. De fait, son agresseur, au lieu des quatre mois de prison avec sursis requis par le Procureur, a écopé d’un stage de… citoyenneté à réaliser dans les six mois et d’une interdiction de s’approcher du cabinet du généraliste franc-comtois pendant deux ans.

Il doit également se provisionner à hauteur de 1 000 euros en prévision des dommages et intérêts qui seront déterminés pour la suite de la procédure, au civil cette fois. Cette dernière est programmée pour le mois de septembre. « Une expertise médico-légale est en attente pour les huit jours d’ITT dont j’ai fait l’objet à la suite de l’agression de janvier », confirme le Dr Cecen, qui ne cache pas son amertume. « Ce n’est pas un gamin de quinze ans qui m’a agressé et à qui il faut apprendre les règles de vie en société ! C’est un monsieur de 68 ans. Je ne vois pas ce que va lui apporter un stage de citoyenneté. Dans son plaidoyer, son avocate disait qu’elle ne voulait pas que son client soit un exemple. Moi, je trouve qu’un exemple a bien été fait, mais à nos dépens. Avec cette décision, c’est la porte ouverte aux agressions contre les médecins », se désole le généraliste.

Peu de soutien des instances

Il déplore au passage l’absence de soutien actif de son conseil départemental de l’Ordre. « Au lendemain des faits, comme je ne savais pas trop quelle était la procédure, je leur ai envoyé un mail pour les informer de ce qui m’était arrivé. Je n’ai pas eu de retour », explique-t-il. Le Dr Cecen est ensuite spontanément contacté sur les réseaux sociaux par la présidente de l’Ordre départemental des médecins du Territoire de Belfort, dont il ne dépend pas, qui lui conseille de faire un signalement sur le site de l’Ordre national. « J’ai eu un appel dans la foulée du Cdom du Doubs. Je leur ai demandé s’ils allaient se porter partie civile. J’imagine que c’est à l’étude, mais à ce jour, je n’ai toujours pas de réponse », confie le généraliste, désemparé. « Jusqu’à présent, mes seuls véritables soutiens dans cette épreuve ont été notre syndicat local des médecins du Pays de Montbéliard et le maire de la ville. Au niveau des instances, il n’y a pas eu grand-chose. »

Je viens de passer une nuit blanche après l’audience à ruminer cette décision que je trouve vraiment injuste

Dr Baris Cecen

Ce mercredi, le généraliste d’Audincourt se demandait toujours s’il allait continuer à exercer dans cette commune qui l’a vu grandir. « Ce n’est pas encore clair, je n’arrive pas à me projeter », confie-t-il. Lui suggère-t-on un break, histoire de se laver la tête ? « Je l’ai fait, mais que je reste à la maison ou que je parte un peu en vacances, j’avoue que, quand je ne suis pas au travail, je pense encore plus à cette histoire. Par exemple, je viens de passer une nuit blanche après l’audience à ruminer cette décision que je trouve vraiment injuste », avoue le Dr Baris Cecen avant d’entamer une nouvelle journée de consultations.

Pour mémoire, dans sa dernière édition publiée en mai, l’Observatoire de la sécurité des médecins a enregistré un record historique d’incidents déclarés pour l’année 2022.


Source : lequotidiendumedecin.fr