En juillet dernier, Nicolas Revel était nommé directeur général de l’AP-HP à la suite de Martin Hirsch. Un sacré défi pour l’ancien directeur général de l’Assurance maladie à l’heure où l’hôpital public enchaîne les crises. Ce mardi 22 novembre, dans le cadre de l’émission Les contrepoints de la santé, Nicolas Revel réalisait sa première prise de parole officielle depuis son entrée en fonction. L’occasion de revenir sur les défis qui l’attendent.
Et le premier challenge pour le directeur de l’AP-HP est celui de l’attractivité des métiers pour une structure qui est le premier employeur de la région, avec près de 100 000 personnes, mais qui doit faire face à une vague de départs.
Depuis 2019 par exemple les effectifs infirmiers ont diminué de 10 %. En septembre les fermetures de lits à l’AP-HP se montaient à 18 %, puis à 16 % en octobre.
« La situation est pesante et préoccupante. Aujourd’hui vous avez des délais d’attente pour des opérations non urgentes qui ne sont pas habituels », souligne Nicolas Revel.
Pour lui, le premier enjeu est donc celui de l’attractivité et de la fidélisation. En Île-de-France, le problème concerne surtout les infirmiers, a expliqué le directeur général. En 2022, l’AP-HP a recruté plus que les années précédentes dans cette profession, mais a aussi dû faire face à 2 600 départs. Au niveau fidélisation, trois ans après leur embauche seulement 62 % des infirmiers sont encore là et cette proportion tend à s’éroder.
Dans la région, le directeur de l’AP-HP note un sujet sur le pouvoir d’achat, il souligne également un problème de formation avec des infirmiers qui sortent des Ifsi et « arrivent un peu moins préparés » qu’avant.
L'intérim, un poison dans les équipes
Mais pour Nicolas Revel, il n’y a pas de baguette magique mais différents leviers d’action à activer, à commencer pour un travail sur l’offre de logement pour les personnels de l’AP-HP. Pour lui, il faut aussi se pencher sur les plannings car il y a une demande d'aménagement du temps de travail autour de 3 ou 4 jours par semaine.
« Il faut aussi proposer un développement professionnel, des parcours de carrière, des enrichissements de fonction pour renouveler l’intérêt professionnel », liste-t-il.
L’ancien directeur de cabinet de Jean Castex pense également que « la cellule vivante d’un hôpital c’est le service », il veut donc redonner à cet échelon-là plus de capacité à décider et lui redonner « du sens et de l’oxygène ».
Côté rémunération, le directeur de l’AP-HP n’a pas la main sur ce levier, il préfère donc se concentrer sur ceux qu’il peut mobiliser.
Malgré tout, il est revenu sur le problème de l’intérim, « un système délétère dont nous sommes prisonniers ». Il évoque un « poison au sein des équipes », avec des professionnels qui quittent l’AP-HP pour revenir en tant qu’intérimaires mieux rémunérés et libres de leurs horaires. Nicolas Revel voit donc d’un bon œil l’intention du gouvernement d’interdire aux jeunes diplômés de commencer par l’intérim.
SAS : la balle est dans le camp de la ville
Comme lors des mesures sur les urgences cet été, la relation avec la médecine de ville est aussi centrale dans les leviers à activer. « Il y a des marges de progrès considérables », souligne Nicolas Revel.
Dans ce qui améliore la communication et est « en train de bien marcher », il cite notamment la mise à disposition de numéros de téléphone auprès des professionnels de santé de ville, pour qu'ils puissent joindre directement les médecins hospitaliers.
Le directeur de l’AP-HP souhaite également établir avec les CPTS de Paris et petite couronne des relations « les plus structurées possibles ». Car au-delà de l’accès aux soins, la bonne gestion des parcours fait aussi partie de leur mission de base, « et cet aspect-là nécessite un dialogue ville-hôpital », explique-t-il.
Autre sujet épineux des relations ville-hôpital, le déploiement des services d’accès aux soins (SAS), Nicolas Revel souligne qu’il existe déjà au Samu 75 un outil informatique qui permettrait de basculer les demandes de prises en charge directement en ville. Mais cela nécessite que les CPTS et médecins de ville acceptent de mettre à disposition des créneaux de soins non programmés. « C’est normal que cela prenne du temps, souligne le directeur de l’AP-HP qui a échangé mi-août avec les CPTS sur le sujet et laisse entendre que le blocage ne vient pas de l’hôpital. Je ne suis pas sûr que la balle soit dans notre camp ».
Sur tous ces sujets, le directeur de l’AP-HP doit dévoiler début décembre un plan d’actions sur 12 mois, travaillé avec une partie des syndicats.
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