Dr Jérôme Marty (UFML-S) : « Le vrai danger, c'est la perte de notre régime de retraite autonome et l'étatisation du système »

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Publié le 06/01/2020

Crédit photo : S. Toubon

Membre actif du collectif « SOS Retraites » (regroupant seize professions libérales), l'UFML-Syndicat a appelé les médecins libéraux à fermer les cabinets le 6 janvier pour protester contre le système universel de retraite. Son président, le Dr Jérôme Marty, réclame un moratoire de la réforme. À défaut, le généraliste évoque la grève illimitée à compter du 3 février... 

LE QUOTIDIEN : Votre appel à la fermeture des cabinets libéraux a-t-il été entendu ?

Dr JÉRÔME MARTY : Oui, doucement. Les médecins ont le nez dans le guidon et le sujet des retraites est technique. Il a fallu plusieurs mois pour expliquer les enjeux. Mais aujourd'hui, je constate tous les jours que les confrères commencent à comprendre les menaces de cette réforme ! Le vrai danger, c'est la perte de notre régime de retraite autonome et l'étatisation du système. Demain, l'État déciderait lui-même de nos capacités contributives et de la hauteur de nos retraites. Cela n'est pas acceptable.

Qu'attendez-vous de la réunion prévue ce mardi 7 janvier avec les syndicats représentatifs de médecins libéraux ?

Rien. Il est probable que cette réunion ne débouchera sur rien. C'est pourquoi nous avons appelé à un mouvement unitaire au-delà même du collectif « SOS Retraites ». L'objectif est de fédérer tous les syndicats médicaux représentatifs et non représentatifs autour du Dr Thierry Lardenois, président de la CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins de France). Sa présence permettrait de lisser les oppositions et les querelles intestines. Nous avons aussi appelé les syndicats à organiser des actions de mobilisation tout au long du mois de janvier pour converger vers le 3 février qui est la date de la grève illimitée.

Les syndicats médicaux représentatifs ont adressé à Laurent Pietraszewski, successeur de Jean-Paul Delevoye, un courrier avec plusieurs revendications. Vous êtes sur la même ligne ?

Il comporte certes des points intéressants comme la sanctuarisation de nos réserves – pour qu'elles reviennent bien aux médecins – ou la place des libéraux dans la future gouvernance du système universel. Mais, là encore, ce courrier est trop gentil et passe à côté de l'essentiel. Nous devons protéger à tout prix notre indépendance et nos régimes autonomes. Et nous ne pouvons les protéger qu'en nous opposant fermement à l'étatisation du régime.

La question du périmètre du système universel (jusqu'à 120 000 euros de revenus, selon la réforme) est un casus belli pour les libéraux car cela supprimerait de facto les caisses professionnelles. Si le gouvernement lâche du lest sur ce point (en le limitant à 40 000 euros par exemple), sera-ce suffisant ?

Ce serait un premier pas, mais insuffisant. Et nous ne lâcherons pas les professions paramédicales – infirmiers, kinés... – qui n'ont pas des revenus assez élevés pour assumer des cotisations à 28 % jusqu'à ce plafond. En revanche, nous pourrions imaginer que la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) devienne un régime universel avec des cotisations adaptées aux possibilités économiques de chaque profession libérale.

Demandez-vous le retrait de la réforme comme la CGT ?

Le collectif « SOS Retraites » réclame ce retrait. Mais pour ma part, je parle plutôt de moratoire. Le gouvernement doit donner davantage de respiration au pays pour sortir de ces manifestations. Il n'y a pas d'urgence financière à faire cette réforme. En revanche, il y a urgence à mettre tout le monde autour de la table pour construire la réforme. Ceci est particulièrement vrai pour les libéraux qui n'ont pas eu de négociation proprement dite mais seulement des explications pendant 18 mois...

Si le gouvernement ne nous entend pas, nous maintiendrons la grève illimitée à partir du 3 février avec des actions dures comme la déprogrammation des opérations dans les blocs opératoires, la fermeture des cabinets libéraux et l'arrêt des gardes. Nous avons bon espoir d'être rejoints par tous les syndicats représentatifs de praticiens libéraux.

Propos recueillis par Loan Tranthimy

Source : lequotidiendumedecin.fr