Le Dr Pascal Gendry, président d'AvecSanté – ex-fédération des maisons et pôles de santé pluridisciplinaires – espérait des gages des pouvoirs publics pour ses rencontres annuelles. Message reçu : « fan de ce modèle », le ministre de la Santé, François Braun, a annoncé ce vendredi aux 1 500 congressistes réunis jusqu'à ce samedi à Saint-Malo qu'il souhaitait « aller résolument plus loin ». Objectif affiché par le gouvernement : 4 000 MSP d'ici à 2027, soit presque le double du nombre de structures actuelles.
Le cap est loin d'être inatteignable, si l'on juge la progression du maillage du territoire par les MSP depuis 2019, et ce malgré la pandémie. Selon les chiffres présentés par Thomas Fatôme, le directeur général de l'Assurance-maladie, le nombre de MSP signataires de l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) – qui ne représentent qu'une partie des structures – est passé de 943 en 2019 à 1 747 en 2022. Sur la même période, le nombre de généralistes y exerçant a bondi de 4 600 à 8 200 et le nombre de professionnels de santé, tous métiers confondus, de 17 000 à 31 800. Une dynamique qui a permis à 8,7 millions de patients (adultes et enfants) d'avoir un médecin traitant au sein d'une MSP – contre 4,5 millions trois ans plus tôt.
Électrochoc
« Notre système de santé est en tachycardie ventriculaire mais pas encore en fibrillation, a lancé l'ancien urgentiste en visio depuis Paris. Le défibrillateur est à portée de main et il faut s'en servir. Or les MSP sont des défibrillateurs… » Une nouvelle preuve d'intérêt pour le modèle des équipes pluridisciplinaires, très applaudie par une salle comble et très animée, et aussi une réponse à l'interpellation du Dr Gendry qui venait de réclamer un « électrochoc ». « Nous traversons une crise profonde avec un bouleversement du sens de notre travail et de nos missions, a estimé le généraliste de Renazé (Mayenne). Le repli corporatiste est trop souvent mis en avant, les négociations conventionnelles ont malheureusement échoué et certains en appellent même au déconventionnement, ce qui n'est pas sans poser de questions. Dans le même temps, les besoins de la population en termes d'accès aux soins sont croissants ».
Si un quart à un cinquième des généralistes travaillent aujourd'hui dans une MSP, la place de ceux-ci au sein de ces structures évolue. La notion « d'équipe traitante » qu'Emmanuel Macron a évoquée lors de ses vœux aux soignants de janvier est largement poussée par la fédération AvecSanté. « Nous avons du mal à être reconnus en tant qu'équipe, a regretté justement le Dr Gendry, devant le directeur de l'Assurance-maladie puis face au ministre de la Santé. Qu'il s'agisse de l'embauche d'assistants médicaux, du recrutement d'infirmières de santé publique, de la problématique des patients sans médecin traitant ou encore de la réponse aux soins non programmés », le raisonnement des pouvoirs publics demeure trop souvent à l'échelle du médecin individuel.
Chef d'orchestre, mais pas homme-orchestre
Pour François Braun, l'équipe traitante doit être « située dans un territoire, à proximité des patients, et coordonnée par le médecin traitant, qui doit être un chef d'orchestre et non pas un homme-orchestre ». Le ministre s'est déclaré « prêt à faire les évolutions nécessaires » vers davantage de prise en compte de ces équipes, et non plus des seuls praticiens individuels, mais sans s'engager dans le concret.
Il a cependant accepté de reprendre à son compte une proposition de la fédération, à savoir que la MSP « en tant que telle » puisse être considérée comme un terrain de stage, à l'instar du service hospitalier. À ce jour, étudiants en santé ou internes sont, en effet, sous la responsabilité d'un des praticiens de la structure.
Le ministre de la Santé a également rappelé que les consultations de prévention voulues par le chef de l'État – et qui figuraient dans le projet de convention médicale – ont été pensées comme des « rendez-vous de prévention » qui n'ont pas nécessairement vocation à être l'apanage des seuls médecins traitants. Une précision qui n'avait jamais été explicite jusqu'à ce jour. « Les choses sont encore floues car nous sommes en train de construire un nouveau modèle, a analysé François Braun. La culture médicale de base est profondément individualiste et ce n'est pas simple de changer de paradigme. Mais s'il faut aller vers davantage de pluriprofessionnalité, nous avons aussi besoin du médecin qui tire l'équipe et la coordonne ».
Ligne de crête
La question de la prise en compte de l'équipe traitante constitue une ligne de crête pour le DG de l'Assurance-maladie, probablement échaudé par l'échec des négociations conventionnelles et par les réactions négatives d'une bonne partie du corps médical face à la proposition de loi Rist sur les partages de compétences et l'accès direct. Interrogé à plusieurs reprises par la salle vendredi matin, Thomas Fatôme a concédé qu'il était « à l'aise avec la notion d'équipe traitante… à condition de ne pas déstabiliser le médecin traitant ».
Le patron de la Cnam a rappelé les 90 millions d'euros de financement de l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) signé il y a un an. « L'Assurance-maladie est un soutien des équipes et nous avons toujours été moteur dans cette discussion », a plaidé son directeur qui estime que « les freins ne sont pas de notre côté ». Et de rappeler que c'est lui qui a proposé au gouvernement que les représentants des MSP puissent prendre part – en tant qu'observateurs – aux négociations de la convention médicale.
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