Peuvent-ils s'entendre en deux semaines ? Après six mois de « pause » pour cause d'élections chez les médecins libéraux, l'Assurance-maladie a relancé fin juin les négociations autour de l'avenant 9 avec l'espoir d'un accord rapide. En novembre 2020, 549 millions avaient été mis sur la table, une enveloppe unanimement jugée trop maigre avant la suspension des discussions.
Au moment des retrouvailles, les syndicats espéraient un changement de braquet de la caisse pour boucler enfin ce « Ségur de la ville », alors que le gouvernement a injecté des milliards à l'hôpital. Las, à l'issue des premières séances, c'est la déception qui domine, même si Thomas Fatôme, patron de la CNAM, prédit que cet avenant « sera dans le top 3 des plus ambitieux, en terme financier ».
Marqueurs
Les efforts de la caisse se concentrent sur quelques « marqueurs » dont les visites gériatriques, l'expertise dans le parcours de soins, le soutien des spécialités en tension ou les usages numériques concrets (encadré). La caisse affiche aussi – c'est nouveau – sa volonté d'un accord équilibré entre généralistes et spécialistes, pour tenir compte du nouvel échiquier syndical.
Du côté des généralistes, 120 millions d'euros ont été budgétés pour financer l'extension de la visite longue à 70 euros à tous les patients de plus de 80 ans en ALD, option qui tient la corde malgré les réticences des syndicats pour lesquels ce scénario est beaucoup trop exclusif. En médecine générale toujours, 20 millions d'euros sont envisagés au titre de consultations pour les personnes vivant avec un handicap et les enfants dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. Côté soins non programmés, l'idée est d'aligner la régulation médicale à 90 euros brut/heure et de recourir au forfait structure pour inciter les généralistes à libérer des plages pour ces consultations imprévues.
Pour les spécialistes, l'enveloppe passerait de 78 millions à 140 millions d'euros. Au menu : la hausse de 4 euros de l'avis ponctuel de consultant (APC), mesure valorisant l'expertise qui a le mérite de profiter à toutes les disciplines : elle procurerait par exemple 2 907 euros par an pour un chirurgien, 2 986 euros pour un ORL ou 3 888 euros pour un hématologue. Cinq spés (pédiatres, psychiatres, gynécologues, endocrinologues et gériatres) bénéficieraient de revalorisations ciblées. Selon les calculs de la caisse, le supplément atteindrait « 7 094 euros par an en moyenne » pour un pédiatre et même « 8 075 euros » pour un psychiatre, deux disciplines au bas de l'échelle des revenus.
Dans la poche des éditeurs ?
Mais ces efforts sont toujours jugés bien en-deça de la promesse du Ségur ambulatoire, à un an de la présidentielle. Selon la CSMF, l'investissement supplémentaire consenti serait limité à « 60 millions d'euros » (contre 200 millions réclamés). « Cela n'est pas signable en l'état », tranche son président Jean-Paul Ortiz. « Il y a des avancées trop timides alors que les contraintes pour les généralistes sont, elles, non négligeables », analyse le Dr Jacques Battistoni, patron de MG France, qui cite les soins non programmés ou le volet de synthèse médicale. Pour le Dr Patrick Gasser, co-président d'Avenir Spé-Le BLOC, « on ne répond pas à l'enjeu de l'attractivité de la médecine libérale. » Et pour le SML, qui a chiffré l'investissement nécessaire à deux milliards, « le compte n'y est pas ». D'autant que 100 millions d'euros sont destinés… aux éditeurs de logiciels médicaux, sous réserve de livrer à la profession une prestation complète (package Ségur numérique, installation, formation et maintenance). Un cahier des charges que les syndicats veulent copiloter, au risque d'être les dindons de la farce.
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