Le Ségur sera-t-il à la hauteur des attentes des libéraux ? Malgré les promesses de l'exécutif d’impliquer la médecine de ville, tous ses représentants restent sur leurs gardes, affichant leur hantise d'un énième plan hôpital.
Certains signaux inquiètent. Sur les quatre piliers de la concertation (transformation et revalorisation des métiers, investissement, simplification et enjeux territoriaux), la présence des libéraux n’était confirmée, en fin de semaine dernière, que sur l'atelier de la territorialité de la santé.
Baudruche ?
« Ça démarre mal. Pas question que cela se termine comme les EGOS de 2008 [États généraux de l’offre de la santé] », prévient le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. À l’époque, la concertation avait débouché sur la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoires), de triste mémoire pour les libéraux. Même réserve du côté de MG France. « Le contour des groupes de travail reste flou. On sera attentif à ce qu’il n’y ait pas un renforcement de l’hospitalocentrisme », avertit le Dr Jacques Battistoni, président du syndicat de généralistes. « Si on retombe dans les mêmes travers avec un système de santé lourd et régulé, on ne s’en sortira pas », analyse le Dr Jean-Paul Ortiz, patron de la CSMF.
Échaudé, l’UFML-Syndicat (Union française pour une médecine libre) qualifie le Ségur de « nouvelle baudruche ». « On ne croit pas en une quelconque amélioration de la situation des médecins libéraux », tranche son président Jérôme Marty, qui regrette que le gouvernement propose de « changer de rythme mais pas de cap ». Quant à l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS, qui réunit 12 professions et 400 000 soignants), elle constate que la place laissée aux libéraux reste « dérisoire », certaines professions étant « oubliées ».
Soins non programmés, on fait quoi ?
Certes, le Premier ministre a promis de « tirer les leçons de la crise » pour bâtir un système de santé « plus moderne, plus résilient, plus innovant, plus souple ». Dont acte ! lui rétorque aujourd'hui la médecine de ville.
Plusieurs syndicats appellent au « recentrage » de l'hôpital (sur les urgences, soins lourds et complexes, avis d’experts), ce qui suppose en miroir d'accompagner plus fortement la réorganisation de la médecine libérale. À cet égard, plusieurs chantiers engagés avant la crise méritent d'être achevés en commençant par la prise en charge des soins non programmés. La profession rappelle ses revendications : généralisation du numéro de régulation libérale (116-117), majoration des actes régulés pour les médecins volontaires. « On attend toujours les arbitrages. Pendant le confinement, on a bien vu que le 15 était débordé. Le numéro unique n'est pas adapté, avance Dr Philippe Vermesch, président du SML.
Alors que les libéraux se sont réorganisés spontanément face à l'épidémie, le soutien de l'exercice coordonné « sous toutes ses formes » est réclamé : communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), certes, mais aussi équipes de soins primaires et spécialisés, cabinets de groupe, autres collectifs... « L'objectif, c'est l'organisation coordonnée territoriale. L’enjeu est que les acteurs ne soient pas freinés par les lourdeurs administratives et une gestion rigide des ARS », explique le Dr Ortiz.
Des « pools » de libéraux qui ont un besoin urgent de financement. Le Dr Claude Leicher, patron de la Fédération des CPTS, rappelle à cet égard que « 600 projets de communautés sont en attente ». « Si on veut accélérer, il faut aider davantage. On a besoin d’un soutien plus important que les 15 000 euros pour la phase de démarrage ».
Investir sur les soins ambulatoires
Alors que l'exécutif a promis à l'hôpital un investissement massif, qu'en sera-t-il pour la médecine de ville ? « Il faut redonner l’envie aux médecins de se regrouper et aux jeunes de s’installer. Ce n’est pas avec un forfait structure de 3 500 euros qu’on va les inciter... », prévient le Dr Hamon.
Dans ce contexte, la question de la juste rétribution des actes revient sur le tapis. Hausse du tarif des consultations de référence et complexes, réévaluation des visites et du maintien à domicile : au regard de ce qui se pratique dans de nombreux pays voisins, les syndicats réclament un rattrapage. « Si on doit parler de tarif, c'est un acte à 50 euros. Si on doit parler de liberté, c'est la liberté tarifaire », résume le Dr Jérôme Marty (UFML).
La France dépense 34 % de moins que l'Allemagne sur les soins de ville par habitant, souligne le Dr Claude Leicher, ex-président de MG France. « La France n'a pas assez confiance dans ses soignants ambulatoires. Elle ne leur donne pas de moyens alors que les deux pays ont le même taux de 11,7 % du PIB consacré aux dépenses de santé ».
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