Longuement auditionnés par des députés de tous bords du groupe d’études des professions de santé (Quotidien du 3 mars), les responsables des syndicats de médecins libéraux n’ont pas le sentiment d’avoir perdu leur temps. Alors que l’Assemblée nationale poursuit l’examen du délicat titre II sur l’accès aux soins du projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), cet échange entre les élus et la profession - qu’il ait été téléguidé ou pas par le ministère de la Santé - tombait à point nommé.
Plusieurs leaders ont perçu une tentative d’apaisement et la volonté de ne pas se couper du corps médical. « Sur la démographie, j’ai le sentiment que de plus en plus de députés sont convaincus qu’on ne réglera pas le sujet de façon autoritaire, veut croire le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF . La tonalité générale des interventions montre qu’ils sont réceptifs à nos arguments ». Pourle SML, c’est un aréopage de députés « attentifs et ouverts » qui a écouté la profession. Le président de MG-France a lui aussi constaté une écoute « très forte » des élus . Faut-il y voir un signe ? « Quand j’ai dit que la coercition augmentera le rejet de la médecine générale, ils ont tous opiné du chef, raconte le Dr Martial Olivier-Khret. Mais tous les arbitrages ne sont pas rendus ». Le chef de file d’Espace Généraliste se veut affirmatif : « les députés qui nous ont reçus ont compris que la contrainte est contre-productive, juge le Dr Claude Bronner. Ils cherchent à emballer le paquet… ».
Extrêmement sceptique, le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, ironise pour sa part sur le « cocooning tardif des députés qui ne débouchera sur pas-grand-chose ». Pour ce responsable en effet, les principaux dangers identifiés n’ont pas disparu : ni les « SROS [Schémas régionaux d’organisation des soins] opposables qui verrouilleront tout le système », ni la « taxe Bachelot qui revient ». Allusion au nouvel amendement à l’article 26 que doit défendre Jean-Marie Rolland, le rapporteur UMP du projet de loi HPST : déposé le 2 mars, celui-ci prévoit qu’après trois ans de mise en uvre des SROS, et si les mesures incitatives se révèlent insuffisantes après évaluation, les médecins des zones surdotées qui refuseraient de signer un contrat santé solidarité les engageant à exercer ponctuellement en zone sous-dotée devront s’acquitter d’une « contribution forfaitaire dans des conditions définies par décret ». Pour Michel Chassang, c’est le gouvernement « persiste et signe ».
Remplaçants et retraités en renfort.
Quoi qu’il en soit, les syndicats ne sont pas venus devant les députés les mains vides et se sont appliqués à défendre des propositions constructives tout en traçant les lignes jaunes à ne pas franchir.
Le SML a mis en avant quelques mesures pratiques permettant selon lui de relever le « défi » démographique. Il s’agirait notamment de mieux utiliser le potentiel considérable de médecins remplaçants - 14 000 professionnels - en prévoyant un passage obligé en zone sous-dotée lorsque la période de remplacement s’allonge, ou encore de réinsérer dans le circuit des médecins « fraîchement retraités » (depuis moins de cinq ans). Le SML est également partisan de prévenir les futurs médecins qui veulent s’installer dans une zone très surdotée ou en passe de le devenir qu’ils devront dans ce cas accepter des missions de service public, de permanence des soins ou de régulation en zone déficitaire. « Mais hors de question d’accepter une taxe, d’ailleurs les députés ne prononcent pas ce mot », insiste le président Christian Jeambrun. MG-France a rappelé sa proposition d’instaurer un numéro national unique pour la régulation libérale (3333). Et la FMF a milité pour une organisation territoriale souple de la PDS gérée localement par la profession.
Quant à la contractualisation régionale de la médecine de ville avec les futures ARS, prévue par le projet de loi, le sujet divise les syndicats. Certains y voient un piège, d’autres une opportunité pour la profession. La question du bon interlocuteur (syndicats ? unions régionales des professions de santé ?..) est également source de conflit. Dernier problème, pas le moindre : les leaders syndicaux ont constaté que les députés n’apportent aucune réponse à la question des moyens financiers pour la médecine générale. Un dossier volontiers renvoyé par les élus aux négociations conventionnelles...
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