Tollé médical contre la proposition de loi Vigier

Déserts : ces députés qui prônent la contrainte

Publié le 18/01/2012
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Crédit photo : S Carambia

RAREMENT une proposition de loi « santé », avant même son examen, aura soulevé une telle vague de protestations médicales. Texte « stupide et dangereux, mise au pas contre-productive », tonne la CSMF. « Le désespoir guette devant tant d’obstination », se désole le Dr Claude Bronner, au nom des généralistes de la FMF. En pénalisant l’exercice libéral, la PPL Vigier… « renforcerait l’attractivité de la pratique hospitalière ou salariée », ironise MG France. Cette initiative « éliminerait toute vocation chez les jeunes médecins », tranche le SML. Même l’Ordre national dénonce une « menace supplémentaire sur l’accès aux soins ».

Cible de ce courroux médical, la PPL Vigier, cosignée par une cinquantaine de députés, vise à « garantir un accès égal aux soins » sur tout le territoire. Dressant le constat de l’insuffisance des mesures incitatives (maisons de santé, bourses, contrat de santé solidarité volontaire…) et du risque de carences sanitaires graves dans certaines zones, la loi se propose de réduire la « fracture médicale ». Mais la méthode tient davantage du remède de cheval que de la médecine douce. Parmi les mesures les plus spectaculaires, tout étudiant en troisième année d’internat devrait faire un stage d’au moins douze mois dans une maison de santé pluridisciplinaire ou dans un hôpital en zone fragile. Les épreuves classantes nationales seraient remplacées par un internat régional et tout nouveau médecin en début de carrière devrait s’installer pendant au moins trois ans dans un secteur sous-médicalisé. Surtout, les installations de cabinets libéraux (médecins, chirurgiens dentistes, sages-femmes, infirmiers, kinés) seraient conditionnées à l’octroi d’une autorisation délivrée par l’État et l’agence régionale de santé (ARS). Les contrevenants à ces règles d’installations ne verraient plus leurs actes remboursés.

Le vent du boulet.

Ce n’est pas la première fois que des députés, sénateurs ou maires ruraux soutiennent des mesures coercitives. Plusieurs textes visant à offrir un « bouclier rural » ou à assurer une présence médicale à moins de 20 minutes ont fleuri ces derniers mois. En période préélectorale, il est fréquent que des élus veuillent donner des gages aux usagers. Enfin, plusieurs professions libérales ont négocié ces dernières semaines avec la CNAM des accords de régulation démographique (kinés, infirmières, sages-femmes), en l’échange de revalorisations.

Il n’empêche. La proposition de loi Vigier, concoctée dans la majorité (les signataires émanent principalement du Nouveau Centre et de l’UMP), mais qui dépasse les clivages droite/gauche, fait désordre. Après plusieurs rapports (2011) sur les raisons du manque d’attractivité de la médecine libérale, après l’abrogation des mesures de la loi Bachelot qui avaient braqué la profession, puis la signature d’une convention misant tout sur les incitations, et enfin les propos réitérés de Nicolas Sarkozy sur le refus de la contrainte, cette PPL est vécue comme une provocation. Elle pourrait du moins obliger les principaux candidats à l’Élysée à se positionner plus clairement sur les moyens de freiner la désertification médicale.

CYRILLE DUPUIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 9068