Dr Émilie Frelat (SNJMG) : « Les médecins remplaçants ne sont pas des bouche-trous »

Publié le 24/11/2015
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La toute nouvelle présidente du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), Émilie Frelat, généraliste de 33 ans installée dans un cabinet de groupe à Morangis (Essonne), réclame une reconnaissance statutaire des médecins remplaçants.

LE QUOTIDIEN : Pourquoi vous êtes-vous engagée dans le syndicalisme ?

ÉMILIE FRELAT : Pour pouvoir râler publiquement avec l’espoir d’être entendue de temps en temps (rires) et transformer une énergie qui pourrait être négative en projet pour les jeunes généralistes. Je suis au SNJMG depuis 2010, j’en ai assuré la vice-présidence et cela fait un an que son président Théo Combes avait décidé de partir. Cette année, j’ai donc suivi les dossiers d’un peu plus près pour prendre sa succession.

Sur quels sujets prioritaires y a-t-il des combats à mener ?

Le déclassement de certains internes pose problème. Lorsqu’ils ont un semestre invalidé en raison de problème de santé ou d’une grossesse, les internes perdent l’intérêt du travail fourni lors des ECN pour se retrouver en queue de leur promotion. Cela les pénalise dans le choix de leur stage.

Marisol Touraine avait pris des engagements qui ne se sont pas encore traduits dans les faits. Il faut aussi que l’on arrête de considérer les médecins remplaçants comme des bouche-trous. Ils sont essentiels et permettent aux médecins installés de s’adonner à d’autres activités, de donner des cours à l’université, ou tout simplement de pouvoir partir en vacances. Il n’est pas normal que les médecins remplaçants ne puissent pas être électeurs ou éligibles aux URPS.

Les remplaçants devraient-ils bénéficier d’une reconnaissance statutaire spécifique ?

Oui. Les remplaçants ne peuvent pas être médecins traitants mais ils jouent un rôle actif dans le système de soins, en étant très peu reconnus. Leur statut est précaire. Un médecin remplaçant peut être facilement "viré" et apprendre 10 jours avant la fin de son contrat qu’il ne sera pas renouvelé. Nous sommes confrontés à un certain nombre de situations de la sorte. Les remplaçants doivent être mieux protégés.

Ce sujet est sur la table depuis de nombreuses années, la France compte 10 000 médecins remplaçants mais ils ne disposent toujours pas d’un réel statut. Comment l’expliquez-vous ?

Les choses peuvent bouger. Dans les années 1980/1990, il y avait pléthore de médecins et ils se battaient pour avoir des patients. Le remplaçant était potentiellement un rival. Ce n’est plus le cas.

Aujourd’hui, le remplaçant est considéré comme un probable futur associé, comme un allié. C’est grâce aux remplacements que les jeunes médecins s’installent. C’est aussi une phase d’apprentissage et qui permet de réfléchir à l’activité que l’on veut et la manière d’exercer, bref à voir ce pour quoi on n’est pas formé à la fac ou à l’hôpital. Ce n’est pas avec deux stages en ambulatoire que l’on est formé à la gestion d’un cabinet. Le remplacement nous confronte à l’administration et permet d’avoir une idée de la réalité de l’exercice.

Vous prenez la présidence du SNJMG dans une période troublée. Il y a une unité des syndicats de médecins seniors contre la loi de santé. On entend moins la jeune génération. Ce texte vous convient-il ?

Ce projet de loi est intéressant sur certains points, il renforce considérablement la prévention. En revanche, nous n’avons pas été entendus sur les modalités de mise en place du tiers payant. Ce texte n’est pas acceptable en l’état. Il est toujours très hospitalocentré et cela nous pose problème. Il n’est pas question de passer 10 minutes par consultation à vérifier les droits des patients et de ne pas savoir par quel biais nous allons être payés. Ça ne nous intéresse pas.

Propos recueillis par Christophe Gattuso

Source : lequotidiendumedecin.fr