Entretien

Dr Hugues Desfour : « La pénurie qui frappe la médecine thermale est tragique »

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Publié le 07/04/2015
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LE QUOTIDIEN : Comment se porte la médecine thermale ?

DR HUGUES DESFOUR : Jusqu’ici préoccupante, la pénurie qui frappe la médecine thermale est devenue tragique ! Le généraliste ou le rhumatologue peut bien prescrire une cure, le traitement est impossible sans la présence d’un professionnel dans la station pour établir le programme de soins. Or, 200 médecins vont cesser leur activité thermale d’ici cinq ans, et ce malgré les rares nouvelles recrues. Une myriade de petites stations est menacée.

Quelles sont les raisons de cette pénurie ?

La cure pâtit d’une image désuète de séjour ennuyeux, thérapeutiquement inutile et aux frais de la Sécu.

L’immense majorité des étudiants n’a jamais entendu parler de médecine thermale. On trouve une seule question sur le sujet aux épreuves classantes nationales (ECN). La capacité de deux ans est proposée dans cinq ou six universités.

Notre manque de visibilité scientifique nous porte aussi préjudice. Malgré le travail de l’association française pour la recherche thermale (Afreth), nous ne publions pas encore assez.

Enfin, nous souffrons de la désertification médicale. La plupart des stations se situent dans des zones oubliées au cœur de moyennes montagnes. Et la moyenne d’âge des médecins thermaux est de 59 ans.

Des stations sont-elles plus menacées que d’autres ?

Balaruc-les-Bains (Hérault), où j’exerce, Dax (Landes) ou Aix-les-Bains (Savoie) ne manquent ni d’attrait ni de professionnels. Ce n’est pas le cas de Barèges (Hautes-Pyrénées), qui ouvrira ses portes fin avril sans médecin. 3 000 curistes sont attendus. C’est une situation inédite.

Chaudes-Aigues (Cantal) et Néris-les-Bains (Allier) sont aussi en souffrance. À Châtel-Guyon (Puy-de-Dôme), les trois médecins ont plus de 60 ans.

Quelles solutions proposez-vous ?

À Barèges, les médecins de la station d’à côté vont donner un coup de main temporaire. Étant proche de la frontière, la station essaye également de recruter des médecins espagnols.

Sur du long terme, réformons la formation médicale ! Nous plaidons pour un diplôme universitaire ou interuniversitaire en médecine thermale pour mieux attirer les étudiants avant la fin de leurs études.

La médecine thermale est une alternative intéressante pour ceux qui veulent soigner autrement. En tant que rhumatologue, j’ai compris qu’on pouvait être efficace sans jouer au picador de la seringue avec des infiltrations à tout va.

Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du Médecin: 9401