L'atmosphère est loin de l'apaisement entre la Cnam et les syndicats représentatifs des médecins libéraux (CSMF, MG France, SML, FMF, Avenir Spé/Le Bloc et UFML-Syndicat). Le 19 janvier, les organisations syndicales, furieux du manque de moyens et du contexte politique, ont choisi collectivement de suspendre leur participation aux groupes techniques des négociations conventionnelles. Hier soir encore, réunis en intersyndicale, les syndicats ont continué d'exprimer leur ras-le-bol, au point de préparer de nouvelles actions.
Fil fragile du dialogue
Certes, le dialogue avec la Cnam n'est pas complètement rompu. Les syndicats devraient même participer à la prochaine séance « où la Cnam devrait enfin nous annoncer, après deux mois demi de tergiversations, les niveaux proposés de valorisation envisagée », a confié ce mercredi le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, lors de ses vœux à la presse.
Mais pour se faire entendre – notamment de l'exécutif – les syndicats sont prêts à multiplier les actions en appelant les médecins libéraux à « stopper les heures supplémentaires », c'est-à-dire à ne plus assurer la permanence des soins, la participation au service d'accès aux soins (SAS) et les consultations des samedis matin, un mode d'action déjà détaillé lundi dernier par MG France.
Tous au Sénat !
Nouveauté, une manifestation médicale est prévue le 14 février devant le Sénat, lors de la présentation de la proposition de loi « Rist » sur l'accès direct aux paramédicaux, texte très critiqué par la profession. « La médecine libérale a la gueule de bois. Elle se sent chaque jour un peu plus méprisée et déconsidérée », a tempêté le Dr Devulder, résumant l'état d'esprit actuel.
Par ces actions unitaires, les syndicats entendent porter des « revendications communes » dans un moment charnière pour la médecine libérale. Ils souhaitent en premier lieu que le gouvernement programme un budget « additif » à l’Ondam de ville [objectif national de dépenses maladie]. Aujourd'hui, avec un budget soins de ville en hausse de 2,9 % pour 2023 – mais une inflation autour de 6 % – « le gouvernement nous demande d’en faire plus en faisant des économies », poursuit le gastroentérologue de Reims.
Les syndicats refusent ensuite que « la loi se substitue au champ conventionnel ». Dans leur ligne de mire, plusieurs textes législatifs ont été vécus comme des « attaques » contre la profession. La PPL Rist en particulier a concentré leur courroux en facilitant l'accès direct aux paramédicaux (IPA, kinés, orthophonistes), sans offrir toutes les garanties à leurs yeux. « L'entrée dans le parcours des soins, c'est par le médecin qui doit proposer et colliger le programme de soins du patient », a martelé ce mercredi la Dr Sophie Bauer, présidente du SML, lors d'un autre point presse.
Gardes obligatoires ?
Dans cette même PPL, c'est le vote d'un amendement instituant le principe de « responsabilité collective » de permanence des soins, en ville comme en établissement, qui a mis le feu aux poudres, laissant entrevoir le retour des gardes obligatoires avec réquisitions. « Le gouvernement est dans une logique de contrainte désastreuse pour la profession », fulmine la Dr Sophie Bauer (SML). « Alors que 96 % des territoires sont couverts par la PDS-A, on a dépassé le stade du mépris », abonde le Dr Devulder (CSMF).
Sur le fond, les syndicats refusent qu'une bonne partie des futures revalorisations soient conditionnées demain à de nouveaux engagements territoriaux ou contraintes supplémentaires. À cet égard, les propositions de la Cnam d'un contrat d'engagement territorial formaté autour de plusieurs thématiques – accès aux soins, accès aux soins urgents, accès financier et engagement populationnel – en contrepartie d'un forfait annuel, voire de tarifs supérieurs de consultation, sont jugées inacceptables. « La consultation de base qui doit être à 30 euros ne doit pas être conditionnée à tel ou tel contrat », avertit le Dr Devulder qui appelle le gouvernement à ne pas jouer au « pourrissement ». « Est-ce que la volonté de l'Assurance maladie n'est pas de nous mettre dans un règlement arbitral [en cas d'échec des négociations] ? alerte le patron de la CSMF. C'est un jeu dangereux ».
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