LE QUOTIDIEN – Votre syndicat réunit demain à Paris son 13e congrès. Vous allez notamment y parler de la retraite. Auriez-vous vieilli ?
Dr JAMIL AMHIS – Oui. Ce qui n’empêche pas que nous soyons toujours aussi motivés dans nos combats. Et si nous parlons des retraites c’est parce que : effectivement nous avons vieilli ; nous avons des carrières courtes ; pendant des années, nous avons été particulièrement mal payés. La question se pose donc pour nous en termes spécifiques et nous demandons par exemple que le mode de calcul de notre ancienneté soit revu (nous souhaitons comptabiliser les années que nous avons pu effectuer à l’étranger). Nous voulons aussi obtenir des conditions particulières de rachat d’années de retraite.
Vous avez derrière vous une longue lutte pour régulariser les médecins à diplôme étranger et les faire accéder à un statut « normal ». Fort de ce combat, comment jugez-vous le phénomène du mercenariat à l’hôpital ?
C’est une erreur. Le mercenariat détruit la notion d’équipe et s’attaque, de façon insidieuse, à toute l’échelle des valeurs professionnelles et des statuts existants.
Comment s’est déroulée la dernière procédure officielle de recrutement de nouveaux médecins étrangers (la PAE – voir encadré) ? Les candidats à l’exercice en France sont-ils toujours aussi nombreux que par le passé ?
Ils sont plus nombreux ! Ce qui prouve que cette « procédure d’autorisation d’exercice » ne fonctionne pas si mal que cela, qu’elle ouvre bel et bien des possibilités d’intégrer le système médical français, qu’elle donne une perspective de nouvelle vie pour ceux qui viennent de pays où les choses sont difficiles. Reste la question de l’obtention d’un terrain de stage pour les lauréats, qui n’a rien d’évident.
Cette procédure permet-elle, comme la loi le lui demande, d’encadrer toutes les arrivées de médecins étrangers ou bien des filières parallèles continuent-elles d’exister ?
Pour l’instant, la PAE semble en tout cas améliorer les choses mais il faut attendre, pour avoir une bonne visibilité, que la réforme de l’AFS et de l’AFSA [Attestations de formation spécialisée simple ou approfondie, qui sont un autre point d’entrée dans le système, NDLR] soit complète. Les données seront alors centralisées, on saura où sont les gens.
Le débat sur l’identité nationale revient sur le devant de la scène. Comment, en tant que médecin français d’origine étrangère exerçant et vivant en France, l’envisagez-vous ?
Je ne veux pas aborder cette question avec ma casquette de syndicaliste, apolitique. Mais je pense que l’identité nationale est un sujet supra politique.
Plusieurs idées. Comment peut-on, d’abord, se sentir « citoyen » quand on vous demande tous les jours dans votre pays le mode d’obtention de votre nationalité ? Comment peut-on se sentir « citoyen » quand les médias, quand ils parlent de vous, précisent systématiquement que vous êtes « d’origine ceci ou d’origine cela » ? Par ailleurs, je le dis avec beaucoup de précautions, le débat sur l’identité nationale ne doit pas se résumer à un débat contre les musulmans. Moi, en ce moment, j’entends beaucoup parler de la burka, du voile, de la communauté maghrébine… Des sujets à propos desquels se posent, c’est vrai, de réelles questions mais l’identité nationale, ce n’est pas « que » cela ! C’est aussi la disparition de la chanson française à la télévision, l’inflation des McDonald’s dans la rue… Le débat est nécessaire, il ne doit pas être manipulé politiquement.
Vous-même, vous sentez-vous « citoyen » ?
Il est terriblement difficile de s’intégrer dans ce pays. Pour nous, universitaires, cela a représenté 15 années de combat, alors pour des gens qui arrivent sans diplôme… ! Sur le papier, il n’y a pas deux types de Français, pourtant, c’est la réalité des faits… Malgré tout, oui, je me sens profondément citoyen, c’est même pour moi une évidence.
L’hôpital est-il un milieu d’intégration difficile ?
Cela dépend des endroits. Moi, j’ai eu la chance d’arriver dans une structure où j’ai fait mon trou grâce à mon travail. Sur un plan plus général, on peut être optimiste et dire que, d’une certaine manière, l’hôpital montre l’exemple : aujourd’hui, les gars issus de notre syndicat sont chefs de service, présidents de CME ! Finalement, pour nous, si les choses sont allées très lentement de nos points de vue individuels de citoyens, elles ont évolué assez rapidement à l’échelle de l’histoire. Ce résultat, nous l’avons obtenu par notre volonté, parce que, encore une fois, nous sommes une émigration d’universitaires – nous ne sommes pas les gens qui ont fait les routes ou les ponts –, nous avons compris qu’il fallait nous battre et comment il fallait le faire, et nous avions les outils pour avancer. À ce sujet, nous pouvons quand même remercier ce pays de nous avoir permis de créer… un syndicat !
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