Prescrire l’activité physique et sportive

La balle est dans le camp des généralistes

Publié le 05/11/2015
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Comment former les généralistes ? Dès la formation initiale, répond l'amendement Fourneyron

Comment former les généralistes ? Dès la formation initiale, répond l'amendement Fourneyron
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Les trois quarts des médecins traitants (74 %) ont déjà prescrit au moins une fois des APS (activités physiques et sportives). Et 82 % d’entre eux considèrent que l’amendement Fourneyron (lire ci-dessous) est « une bonne idée » pour en prescrire davantage.

Issus d’un sondage que vient de réaliser l’IFOP pour Swiss Life*, ces chiffres confirme le diagnostic du président du Syndicat des enseignants en médecine générale. Le Dr Matthieu Calafiore est venu le rappeler hier lors du colloque « Sport et activité physique : comment favoriser la prescription médicale ? » : « Le généraliste a une place centrale pour toutes les prescriptions et recommandations d’APS chez les patients atteints de maladies chroniques, alors que toutes les études démontrent que la pratique régulière d’une APS présente des bénéfices incontestables sur la santé. »

Un à un, les spécialistes détaillent les bénéfices des APS, pathologie par pathologie. « 72 études ont démontré que l’activité physique (au moins 30 minutes par jour) diminuait la pression artérielle diastolique de 3 mm de mercure et la pression systolique de 2,4 mm de hg, en moyenne, résume, pour la HTA, le Dr Nicolas Postel-Vinay (HEGP). Et, rappelle-t-il, une méta-analyse conclut qu’une activité physique régulière augmente de 4,6 % le taux de HDL, réduisant de 5 % le LDL. Une enquête a découvert que la mortalité pour les patients atteints de maladies coronariennes baissait de 31 % s’ils pratiquent une AP régulière. »

« L’exercice physique est au cœur de la prévention et de la prise en charge du diabète, observe encore le Pr Jean-Jacques Altman (HEGP) ; son action a été démontrée à l’échelle moléculaire, au sein des cellules, sur les transporteurs du glucose, les récepteurs à l’insuline, par exemple, et il est plus efficace que tous les médicaments existants, tout en étant dénué de risques. Des études menées au États-Unis comme en Chine et en Europe ont abouti aux mêmes conclusions : l’exercice facilite la perte de poids et améliore la résistance à l’insuline. »

En cancérologie, « l’APS diminue certainement le risque de cancer du côlon et du sein après la ménopause et probablement aussi le risque de cancer de l’endomètre », ainsi que le relève l’épidémiologiste Catherine Hill (IGR). « Ses effets sont indépendants de l’effet du poids corporel. Pour le cancer du sein, on observe une relation dose-effet, c’est-à-dire que le risque est d’autant plus réduit que l’AP est importante. »

Parce qu’elle « réduit le stress, diminue l’humeur dépressive, régule le sommeil et augmente la réactivité et la capacité attentionnelle, l’AP a aussi un impact en santé mentale, explique le Pr Isabelle Amado (hôpital Sainte-Anne). Les évaluations que nous avons faites avant et après la mise en place de programmes d’AP collectives montrent une amélioration de l’aisance verbale et des interactions sociales. Des patients disent retrouver du plaisir et des émotions. À leur épanouissement et au retour à l’autonomie s’ajoute la déstigmatisation. »

Questions en suspens

Trois questions cependant restent en suspens : l’information, la formation et le financement. Avec un référentiel, 26 % des généralistes assurent qu’ils prescriraient plus d’APS (30 % des moins de 40 ans et 20 % des plus de 65 ans). Ils devraient être satisfaits dès l’année prochaine par la publication annoncée de fiches Vidal, en lien avec la commission médicale du CNOF (comité olympique français).

Pour la formation, l’amendement Fourneyron l’inscrit dès la formation initiale, ainsi qu’en formation continue. La question du financement demeure : pour 49 % des généralistes, elle doit revenir aux patients, 25 % estimant qu’elle incombe à la Sécu et 19 % aux mutuelles. Le sondage IFOP-Swiss Life enregistre des attentes différentes chez les patients, 39 % attendant un financement de la Sécu et 35 % des mutuelles, contre 15 % aux intéressés.

Déjà engagé dans des dispositifs expérimentaux (avec l’association Siel Bleu), Pierre François, directeur général de Swiss Life, reconnaît que, si « toute pratique nouvelle génère des dépenses nouvelles », « le rôle des assureurs santé est aussi de participer aux avancées médicales qui favorisent une santé durable. Nous devons être les aiguillons d’une évolution à laquelle les médecins adhèrent massivement et qui va dans le sens d’une prise de responsabilité du patient lui-même. » Qui paiera ? Le débat est lancé.

* Sondage réalisé par téléphone auprès d’un échantillon de 603 généralistes.
Christian Delahaye

Source : Le Quotidien du Médecin: 9447