L'accès direct aux orthoptistes, sans ordonnance préalable, est officiellement entériné. Le décret d'application de l'article 68 de la loi de financement de la Sécu pour 2022 qui prévoyait cet accès direct – et avait déclenché une vague de protestations chez les syndicats de médecins libéraux – vient en effet d'être publié ce mercredi 27 avril.
Les orthoptistes « ayant suivi une formation adaptée » peuvent donc désormais réaliser - sans prescription médicale - des bilans visuels pour des patients âgés de 16 ans à 42 ans et ne présentant aucune contre-indication et prescrire les équipements adaptés. Ces contre-indications doivent être définies prochainement par arrêté. Pour les patients déjà porteurs de verres correcteurs, le bilan visuel et la prescription ne peuvent être réalisés par l'orthoptiste « que si le dernier bilan visuel réalisé par le médecin ophtalmologiste date de moins de cinq ans ». Pour les patients porteurs de lentilles de contact, le dernier bilan visuel médical doit dater « de moins de trois ans ».
Orientation vers le médecin en cas de problème
Après un interrogatoire visant à établir l'absence de contre-indications, l'orthoptiste procède au bilan visuel, c'est-à-dire à la mesure de l'acuité visuelle et de la réfraction subjective et objective, et à l'examen simple de la motricité oculaire. Pour une prescription de lentilles de contact, il réalise en plus une mesure de la courbure de la cornée et un examen de la surface oculaire.
Le patient doit être orienté vers un ophtalmologiste si, lors de la réalisation du bilan visuel, l'orthoptiste constate une contre-indication ou « toute autre situation ou pathologie nécessitant une consultation médicale », mais aussi une baisse de l'acuité visuelle profonde et brutale, et le besoin d'une correction optique supérieure ou égale « à trois dioptries pour la myopie et l'hypermétropie », et à « une dioptrie pour l'astigmatisme ».
Dépistage chez les jeunes enfants
En cas de prescription, l'orthoptiste précise sur l'ordonnance son caractère non médical. Pour un renouvellement, l'orthoptiste peut adapter une prescription orthoptique de verres correcteurs ou de lentilles datant « de moins de deux ans ». Il doit reporter sur l'ordonnance l'adaptation de correction qu'il réalise, indiquer ses « nom, prénom, qualité, identifiant », dater et signer. « Il en informe le prescripteur par tout moyen garantissant la confidentialité des informations transmises », précise le texte.
Enfin, l'orthoptiste pourra aussi réaliser le dépistage de l'amblyopie pour les enfants âgés de 9 à 15 mois, et le dépistage des troubles de la réfraction pour les enfants âgés de 30 mois à 5 ans. En cas de signe évocateur hors des limites de la normale, il devra là aussi orienter l'enfant vers un médecin spécialiste.
La parution de ce décret a été saluée par le Syndicat national autonome des orthoptistes (SNAO, seul syndicat représentatif de la profession). La structure s'est félicitée « d’avoir été entendue dans ses revendications » et de voir appliquer sur l’ensemble du territoire ces nouvelles mesures « qui vont considérablement améliorer l’accès aux soins visuels pour les Français ». « Le renforcement du rôle des orthoptistes dans le parcours de soins matérialise la reconnaissance de leur expertise qui concourt à la santé publique au quotidien », conclut le SNAO.
Le Syndicat national des ophtalmologistes (Snof), de son côté, « prend acte » de la publication de ce texte mais estime qu'il ne « règle pas le problème des nouveaux patients qui n'ont jamais vu d'ophtalmologiste » et peuvent être potentiellement porteurs d'un trouble visuel non détecté. « On s'interroge par ailleurs sur l'intérêt de cette mesure, les patients de 16 à 42 ans ont déjà des ordonnances valables 5 ans, et 3 ans pour les lentilles, renouvelables par les opticiens. Par ailleurs, cette mesure d'accès direct vient faire doublon avec les protocoles RNO et RNM existants, qui fonctionnent bien », a réagi, auprès du « Quotidien » le Dr Thierry Bour, président du Snof, dans l'attente de la liste des contre-indications.
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